dimanche 22 décembre 2019

Les promenades du dimanche

Une des raisons pour lesquelles je suis venu jusqu'ici, c'est bien la découverte et les promenades! Comme je ne suis pas le seul à avoir cette motivation, on arrive facilement à s'organiser des sorties en petit groupe le soir ou le dimanche.
Pour des raisons de sécurité, il faut toujours être plusieurs en dehors de la base. Sur les zones les plus proches de la base, il faut être deux, et trois personnes dans les autres endroits. Et les lieux de reproduction et de nichages des manchots sont interdits d'accès sauf pour aider un ornithologue dans le cadre de son travail. Autre contrainte: il faut avoir dans son sac: un change complet, une radio, une petite corde et quelques autres choses. Ces mesures de sécurité sont imposées car nous marchons sur la banquise (mer gelée) et qu'il peut arriver que l'on passe à travers pour une séance piscine non voulue... Et puisqu'il n'y a pas de service de secours professionnels sur place, on limite les accidents au maximum.

Il y a une semaine, nous nous sommes décidés à aller au bord de la polynie (l'eau non gelée), pour voir les manchots Adélie plonger et nager, les jeunes manchots empereurs en attente de prendre leur premier bain et un iceberg. Nous n'étions qu'à 1,5km de la base mais il y avait déjà assez de nouveauté pour nous occuper pendant trois heures! La météo était vraiment agréable, avec du soleil peu de vent et des températures légèrement positives.
Manchots Adélie
Un Adélie bien curieux


Manchots Empereurs adultes

Jeunes manchots Empereurs 

Et aujourd'hui, nous nous sommes décidés à accompagner Claire, la médecin de la TA 69 qui doit aller travailler pour quelques temps à la base d'été Prud'homme. Il y a 5 km de banquise à traverser entre DDU et Prud'homme, j'ai pu inaugurer à cette occasion mes skis et marcher sur le continent Antarctique, nous qui sommes sur notre île. Nous sommes partis avec nos gros sacs, notre pique-nique, la pulka pour trainer des sacs, une tarière pour sonder l’épaisseur de glace. On pourrait penser que l'on part pour une semaine alors que nous avons marché 12km... En route, nous avons pu observer des phoques, des manchots Adélie, deux petits empereurs et en apprendre un peu plus sur la banquise et ses dangers.  Les nuages et le vent ont rendu la sortie moins facile que la semaine précédente mais l'ont s'est bien amusé. Et les sorties risquent d'être fortement limitées dans les prochaines semaines avec la débâcle de la banquise attendue dans les prochains jours.



En observation de phoques



Deux petits Empereurs attendant le dégel

Déjà deux semaines sur la base

Ma première semaine n'a pas été de tout repos: après un accueil à la sortie de l'hélicoptère, nous sommes guidé vers nos chambres que je partage avec Raphaël, mon prédécesseur. Avec l'équipe technique, nous faisons une visite rapide de la base avec Alain, notre chef technique qui connait les bâtiments comme sa poche. Le soir, rendez vous au séjour, pour le repas et la soirée de bienvenue, en se modérant: l'on travaille le lendemain.
La base sur son caillou
Au lit, je m'endors facilement malgré l'excitation, le soleil de minuit. Au milieu de la nuit, je me lève, j'ai l'impression d'être alcoolisé dans le couloir, tout bouge , le mal de terre mettra deux jours à passer.
Le lendemain, samedi, rendez-vous au bureau technique à 8h, ce sera comme cela tous les jours de la campagne d'été. Je passe ma journée avec Raphaël: il m'explique le fonctionnement global de la base, me fait découvrir l'atelier et les machines, me fait découvrir d'autres bâtiments, me présente les chantiers en cours et mes futurs collègues présents pour l'été. Je travaillerai avec un charpentier et un autre menuisier. La journée est intense et il est difficile de retenir les noms des personnes, des lieux, la disposition de la base, tous les nouveaux (dont moi) sont perdus. Enfin de journée, tout le monde se retrouve au séjour pour une petite soirée, qui se trouvera être malheureusement la dernière que les missions TA 69 et TA70 passeront en commun sur la base.
Le dimanche matin, qui n'a exceptionnellement pas été un jour chômé, à la réunion du bureau technique, nous apprenons que les hivernants sortants quitteront la base en fin d'après-midi. C'est un peu le choc sur la base. Comme l'Aurora Australis a été déchargé efficacement, et que le trajet vers l'île Macquarie est prévu avec une météo se dégradant de jours en jours, les australiens veulent partir le plus vite possible.
Nous passons notre journée à décharger, transporter et ranger le contenu de caisses amenées par hélicoptère. Il y a des vivres, des outils, des matériaux, des livraisons pour les différents laboratoires... Le rangement nous permet de nous familiariser avec les bâtiments de la base.
Une partie des caisses à vider
Puis arrive 16h, tout le monde se retrouve pour se dire un dernier au revoir. Le moment est assez fort, surtout pour les hivernants sortants qui n'ont eu que peu de temps pour faire leurs adieux aux campagnards d'été et aux derniers "survivants" de la 69 qui prolongent leur séjour de quelques mois. La base se vide ensuite petit à petit, rythme des rotations d'hélicoptère. Puis le bateau part sans tarder dans la soirée.
Un des derniers vols hélicoptère sur l'Aurora Australis
La passation aura été très, voire trop rapide pour tout le monde. J'ai de la chance que mon métier ne soit fondamentalement pas différent en France ou en Antarctique, et de pouvoir bénéficier des conseils des campagnards d'été qui ont beaucoup plus d'expérience sur ce terrain que moi. Mais pour d'autres personnes, surtout les scientifiques qui devaient avoir jusqu'à un mois de passation, les débuts sont beaucoup plus difficiles.
Comme nous avons bien travaillé la veille et que le coup de bourre logistique est passé, le lundi est décrété "férié". J'en profite pour prendre possession de ma chambre, de ranger quelques affaires et de la décorer un peu, de redécouvrir à tête reposée mon atelier et de me balader un peu sans m'éloigner de la base. Je prend le temps d'apprécier le paysage et j'essaie de réaliser où je suis: la quantité d'animaux, la mer, la banquise, le glacier derrière la base, tout est hallucinant.
Le travail recommence le mardi. Je continue à ranger des colis et des vivres puis nos malles d'affaires personnelles. Le lendemain, je suis envoyé dans un conteneur frigorifique servant de rangement sur la base, pour démonter un caisson fond qui contenait le groupe froid, nettoyer et casser la glace, isoler, puis fermer proprement et hermétiquement le tout avec de l'inox et du silicone.  Comme l'on m'avait prévenu, je ne ferai pas que des choses en bois, et les chantiers dureront le double de temps par rapport à la France. Je mettrai deux jours à finir.
Mon premier chantier
Pour finir la semaine, l'on me donne ensuite une pompe à silicone, une spatule et me demande si je sais faire des joints. Comme je me débrouille bien, et que je suis bête et discipliné, je gagne le droit de jointer deux façades du bureau technique/météo... C'est bon, le bizutage, c'est fait! Sur l'extérieur de ce bâtiment ont été collé du Reynobond (plaque aluminium colorée/plastique). Il restait donc l'espace entre les poteaux métalliques et le revêtement à combler. J'ai tout de même de la chance, le soleil est de la partie depuis notre arrivée, le températures positives et le faible vent également. Je travaille donc en t-shirt, casquette et lunette de soleil. Ce sont les vacances! J'aide aussi à finir de coller les dernières plaques et de changer les trois dernières fenêtres. L'extérieur du bâtiment est fini pour le moment, La suite se passera cet hiver avec la rénovation complète de l'intérieur.
L'extérieur du bâtiment technique
Je travaille en ce moment sur les meubles pour aménager une chambre médicale dans un conteneur 50 pieds. Ce conteneur est monté sur des patins et sera trainé en convoi à travers la Terre Adélie une fois fini. Les meubles ont été fabriqués par mon prédécesseur, je  m'occupe actuellement du ponçage et du vernis, et de quelques ajustements.
Les vues avant d'aller dormir
Mais comme il n'y a pas que le travail dans la vie, nous avons le temps de nous occuper quand même quelques loisirs: observation de la faune locale, billard, fléchettes, jeux de société, soirée dansante, promenades, réalisation de cadeaux de Noël... Je ne vois pas le temps passer!
La base et un de ses habitants
Je vous présenterai tout ça plus en détail prochainement, l'aventure ne fait que commencer.

vendredi 13 décembre 2019

Pour me joindre

Comme vous le savez, je suis un peu isolé du monde civilisé. Mais il y a quand même quelques moyens de communication. J'ai accès à internet sur certains ordinateurs de la base, donc c'est loin d'être tous les jours. De plus le débit est minimum, 256kbps à se partager...
Mais j'ai une adresse mail accessible partout, que je consulte quotidiennement. Merci de ne pas envoyer de pièces jointes de plus de 3 Mo.

bdubet (arobase) ddu (point) ipev (point) fr

Je serai heureux d'avoir de vos nouvelles!

Nous avons aussi le courrier, pour m'écrire:
Bastien Dubet
Base Dumont D'Urville
District de Terre Adélie
T.A.A.F
via ROISSY HUB BSCC PIC
5 rue du haut de Laval
BP 17615 Cargo 9
95724 Roissy CDG CEDEX

C'est à affranchir au tarif France. Mais comme nous ne savons pas quand viendra le prochain bateau, le dernier délai départ de France est inconnu. Mais logiquement il faudra que vous m'expédiez vos cartes de voeux avant le 10 janvier.

La traversée

Nous avions rendez-vous à 8h, dans les locaux de l'Australian Antarctic Division le lendemain.  Nous nous sommes donc tous retrouvés, passagers francais et australiens, dans un grand hangar. Les logisticiens australiens étaient très bien organisés, ils ont pesé puis pris en charge nos sacs pour qu'on les retrouve plus tard dans nos chambres. Ils nous ont aussi attribué une adresse mail et la façon de téléphoner, via une appli smartphone. Je n'ai utilisé rien de tout ca, ce n'etait pas tres simple pour moi (et cela fait du bien de se couper un peu du monde). Nous avons ensuite tous enfilé un gilet fluo, pour traverser les 200 mètres de quai, à fond la sécurité!
Sur le bateau, nous avons eu droit à une conférence sur la vie à bord: alcool interdit (j'ai planqué la gourde de gentiane), repas entre 7-8h, 11h30-12h30 et 17h30-18h30 (juste à l'heure pour regarder question pour un champion avec une tisane!), les zones accessibles sur le navire. Le capitaine nous dit également qu'il ne sait pas encore où l'on va! Macquarie ou DDU en premier? La météo décidera dans la soirée, au moment  de sortir de la baie d'Hobart.
Ensuite, rendez-vous sur le pont arrière avec notre sac de dotation pour l'exercice d'évacuation, on visite les radeaux de sauvetage avec nos gilets de sauvetage, c'est convivial! On essaie la collection automne-hiver des combinaisons étanches, on doit pouvoir survivre une dizaine d'heures au moins avec. En espérant qu'elles restent dans les placards...
Dans les chambres, on retrouve nos bagages et nos sacs de dotation: c'est Noël avant l'heure, on est habillé pour l'année: Sorel, pulls, vestes, pantalons, sous-vêtements thermiques, lunettes, gants, bonnets et nos charentaises.
Après le déjeuner, rendez-vous avec les douanes pour présenter le passeport. Tout se passe bien, je suis autorisé à partir.
La suite est moins passionnante. A 14 heures précises, le grand départ est donné. On prend la direction plein sud pour quitter la baie. Vers 18 heures, on apprend que l'on n'ira pas à Macquarie Island, l'île sera ravitaillée sur le chemin du retour. Au début je suis déçu, on manque la chance de découvrir une faune que l'on n'aura pas la chance de découvrir en Antarctique. Mais après quelques jours de mer, je suis bien content que l'on écourte le voyage. Je résiste un peu au mal de mer, mais le bateau bouge beaucoup tout de même. Il est difficile de dormir ou d'organiser des activités. Mon estomac me dit de ne pas lire ou regarder mon ordinateur. Bref ce n'est pas la fête.
La sieste du mardi après-midi, au soleil sur le pont du bateau, viens briser la monotonie. 4 heures passées à l'extérieur me donneront des jolis coups de soleil sur le bout du nez. Le lendemain est moins rigolo avec des creux de 6 mètres et un repas rendu aux poissons...
Le jeudi matin, dans le brouillard, enfin une tache apparait sur l’écran radar du bateau. Tout le monde se met à guetter notre premier iceberg, puis au loin on commence à deviner une tâche légèrement différente du ciel gris. On se retrouve à quelques centaines de mètres d'un beau bébé d'environ 1,5 km de long. C'est impressionnant et majestueux. Et enfin l'on voit quelque chose à l'horizon après 4 jours de mer sans croiser une terre ou un bateau, seulement suivis par quelques albatros et autres espèces d'oiseaux marins.
On ne reverra de la glace que le soir avec d'abord d'autres bergs puis l'entrée dans le pack, résidus de banquise disloquée qui ne posera que peu de problème à l'Aurora Australis et son équipage. On nous apprend également que l'on arrivera sur base le lendemain, vendredi.
J'ai du mal à aller me coucher, tant le spectacle est magnifique, tout le monde est dans le même état d’excitation que moi. Une fois dans le pack, la mer deviens plate comme un lac, et la traversée se transforme en croisière touristique entre glaces, manchots Adélie et baleines.
Vendredi matin, j'ouvre les yeux à 6h, je m'habille vite fait et je file sur le pont. Il commence à faire froid, avec le vent de la mer

Le spectacle est grandiose: le soleil et le ciel bleu sont là, l'on voit des bergs de tous les côtés et petit à petit, le continent apparait. D'abord on croit voir un nuage bas à l'horizon, puis l'on se rend compte que c'est de la glace!
A 11 heures, on effectue un dernier virage pour l'on se retrouve en face de la base. Enfin l'on touche au but!
Le bateau fonce droit dans la banquise, à 1 kilomètre de DDU, pour utiliser la glace comme quai.
Après un formation hélico, un dernier repas à bord, l'on s'envole pour une minute pour atterrir au centre de la base. Après 8 jours de transports, enfin à la maison pour une année!

samedi 30 novembre 2019

Grand départ: dans les airs

Jeudi matin: après une courte nuit et un réveil aux aurores, j'ai retrouvé Valérian (électrotechnicien) et Pascal (plombier) à l'aéroport de Genève. Un gros bisou à la maman, et c'est parti pour 48h d'aventure aérienne! Nous enregistrons nos bagages et montons dans l'avion direction Paris, lieu de rendez-vous avec le reste de la mission. Dès que nous atterrissons à Roissy, nous suivons les directions correspondances internationales, un petit tour de bus et nous arrivons dans la zone internationale.
Mais nous devons ressortir pour aller à la rencontre du groupe et de Viviane, notre référente à l'IPEV. Heureusement, après avoir tourné en rond dans le terminal, nous nous faisons indiquer une porte dérobée pour quitter cette zone sans prendre d'avion, je ne pensais pas que c'était possible... Nous retrouvons l'ensemble de la mission ainsi que quelques estivants, je signe mon contrat avec les nouvelles dates de voyage, je récupère mon visa et nous embarquons pour Hongkong, 11h de vol. Nous voyageons avec Cathay Pacific, compagnie hongkonaise. Dans l'avion, nous traversons les classes business, ça donne envie, puis on se retrouve en économique: mes grandes jambes coincées, la guerre des accoudoirs. Quel plaisir! Je m'occupe en regardant quelques films, une demi-heure de sieste et en mangeant (ça occupe la tête). Nous sommes partis à 12h30 de Paris puis avons atterri à 7h à Hongkong. Je me retrouve donc à avoir fait nuit blanche grâce au décalage horaire. La lutte contre le sommeil a été féroce le temps de l'escale, 12h.

HongKong 7h du matin

Certains collègues sont allés visiter la ville, mais je n'avais pas la force. Nous meublons les 12h en nous reposant, nous ravitaillant et nous lavant dans un salon lounge assez modeste. J'ai la chance d'avoir été surclassé dans un autre salon, bien plus luxueux, mais je suis un des seuls du groupe à avoir cette chance. Je m'y rend donc dans l'après midi, pour me doucher (oh joie!) et faire une petite sieste dans des sièges confortables.
A 19h, nous décollons pour Sydney, après un nouveau film, j'arrive à dormir plus ou moins bien, toujours gêné par la position. A 3h du matin, nous sommes réveillés pour le petit déjeuner, plus ou moins bon, toujours emballé, et suremballé... Le mieux étant les bouteilles d'Evian distribuées en classe affaires: les gens boivent de l'eau de Haute-Savoie (je sais qu'on est les meilleurs!) à l'autre bout du monde!  Mais bon, après 20 000km en avion je crois que notre bilan carbone est déjà explosé et que nous pourrirons en enfer!
Arrivé à Sydney, nous récupérons nos bagages, alors que l'on nous avait dit à Genève qu'il n'y avait pas besoin, merci à ceux qui ont eu d'autres informations de nous avoir sauvés. A l'immigration, j'ai seulement droit au chien renifleur et au contrôle automatique du passeport. Je pensais les douanes plus tatillonnes.
Nous rembarquons pour Hobart peu de temps après pour les deux dernières heures de vol, il est temps que cela se finisse, tout le monde est bien fatigué.

 Le mont Wellington surplombant Hobart
 Centre d'Hobart
A Hobart, un minibus nous attend pour nous mener à l'hôtel. Nous retrouvons enfin les hivernants-naufragés qui devaient partir sur R0, ils sont tous bronzés après deux semaines et demi en Tasmanie. Un repas puis nous partons avec eux visiter un peu la ville et boire un coca. Je les abandonne rapidement pour aller me reposer, je suis tellement fatigué que j'ai l'impression d'être alcoolisé.
 L'Aurora Australis nous attendant à quai

La suite se passera demain, 1er décembre, pour l'embarquement sur le bateau et le départ prévu 14h (heure locale), soit 4h (heure française).
Prochaines nouvelles quand je serai arrivé à DDU

mardi 26 novembre 2019

Changement de plan

"Ça y est, je ne pars plus!" voilà ce que je me suis dit il y a quelques jours. Mes co-hivernants nous ont informé que notre navire ravitailleur était en panne, alors qu'eux même étaient déjà au port de départ. Et ce n'est pas une panne anodine: la ligne d'arbre (la pièce qui relie le moteur aux hélices) est endommagée. Après expertise, il a été décidé que l'Astrolabe ne permettait pas de voyager en sécurité dans les glaces. Il doit donc aller en réparation jusqu'en janvier.
L'Astrolabe
© Yann Gwilhoù, CC-BY-SA 4.0

Le premier bateau devait partir le 13-14 novembre, pour la première rotation de la saison (R0). Mon départ de France était prévu le 3 décembre pour prendre la seconde rotation (R1).
Pendant quelques jours nous étions dans le flou, même si nous étions bien informé par l'Ipev. Il a été décider de fusionner R0 et R1 avec un départ d'Hobart le 1er décembre. Grâce aux australiens qui ont mis à disposition un de leur bateau, nous pourrons rejoindre notre base, la ravitailler, mettre en place la science prévue pour l'été et "ramener à la civilisation" les hivernants sortants. Ce problème n'a pour le moment pas beaucoup d'incidence sur ma mission, mais a touché plus sérieusement les futurs hivernants devant voyager sur R0 (déjà 15 jours d'attente à Hobart pour eux) ou certains campagnards d'été dont la mission a dû être annulée ou modifiée.

 L'Aurora Australis

Je pars donc jeudi 28 novembre de Genève, pour arriver à Hobart le 30 novembre, via Paris, Hong-Kong et Sydney, et embarquer sur notre nouveau bateau le 1er décembre. Ce bateau, l'Aurora Australis, est un brise glace (comme l'Astrolabe) et nous emmènera à DDU en 8-9 jours de mer. Nous ferons un détour par l'île Macquarie, où une base australienne est installée. C'est une chance de passer là-bas (même si je doute que nous puissions débarquer)  puisque cette île regorge d'espèces de manchots, d'otaries et d'oiseaux que nous ne pourrons pas observer en Antarctique.


dimanche 24 novembre 2019

La rencontre avec les autres hivernants

Du 21 au 28 septembre, je suis parti en séminaire à Brest. Le but était de rencontrer mes futurs collègues, de commencer à former un groupe, de se former et de s'informer sur nos prochaines conditions de vie.
 Nous étions logés au Conquet dans un village vacances

Nous avons commencé par une formation, le samedi, à la conduite aux engins à chenille, avec mes futurs collègues techniciens. Après une matinée théorique, nous avons eu l'opportunité de conduire un bulldozer sur un chantier. Avec plus ou moins de réussite: il faut appuyer sur un genre d'accélérateur pour ralentir...


J'ai profité du dimanche pour me balader en bord d'océan et profiter du peu de beau temps que la Bretagne nous a offert.
Puis le lundi matin, nous nous sommes tous retrouvés, hivernants des 5 bases antarctiques et subantarctiques, au siège de l'IPEV.
Le programme de la semaine a été chargé:
-Présentation de l'IPEV, des personnels et de leurs missions
-Présentations des Terres Australes et Antarctiques Francaise et des réserves naturelles
-Exposé de quelques travaux et études réalisés sur les bases
-Découverte de nos tenues
-Réunion sur les risques sanitaires liés à l'isolement
-Informations sur le voyage et l'administratif
-Formation incendie et utilisation d'extincteurs
-Informations sur les conditions de travail et le programme des travaux
Et plein d'autres choses.

Le mardi soir, nous avons eu la chance de pouvoir visiter Océanopolis (l'aquarium de Brest) puis de nous détendre avec un apéritif dînatoire au milieu des bassins pour mieux faire connaissance avec les futurs collègues.
Les bungalows partagés, les repas pris en commun, la semaine de formation nous a permis de bien se découvrir. Et j'en suis ressorti plus impatient que jamais! Le retour au travail le lundi suivant fût laborieux.

 Et voici le groupe du 70eme hivernage en Terre Adélie quasiment au complet









mercredi 20 novembre 2019

Mes bagages pour un an


Que prendre pour vivre un an l'autre bout du monde sans supermarché? C'est la grande question que chaque hivernant se pose avant de partir. Il y a de quoi occuper les vacances d'été.

Il faut prévoir de quoi s'habiller, se laver, se détendre, quelques plaisirs gustatifs et ce qui peut être utile pour les vacances au retour (matériel de camping). Heureusement, l'IPEV nous fournit des vêtements et chaussures contre le froid: bottes Sorel, veste chaude, sous-vêtements thermiques,  gants... Les hivernants en place nous fournissent également une liste d'objets divers et variés à emmener avec nous.
Nous avons droit chacun à 120kg répartis dans 3 malles métalliques de 40 kg chacune. J'ai dû envoyer ces malles avant le 6 septembre, à Brest au siège de l'IPEV. Elles sont ensuite parties en bateau porte-conteneur jusqu'en Australie, et je les retrouverai sur la base puisqu'elles voyageront avec moi sur l'Astrolabe.



Je me suis donc retrouvé en plein été à acheter des crampons et des moufles, à dévaliser le rayon savon ou dentifrice du supermarché. Vous savez combien de tubes de dentifrices vous utilisez chaque année? Moi non plus.
J'ai également envoyé sur place une paire de ski de randonnée nordique, placés dans un tube PVC pour le transport, je ne pouvais pas me résoudre à rester un an dans la neige sans skier.
Mes derniers bagages voyageront avec moi dans l'avion, 30kg max, pour emmener les affaires qui me manquent.









mercredi 13 novembre 2019

Comment partir travailler à l'autre bout du monde?


Février 2018:
Un jour, je tombe sur une émission de radio sur France Inter (https://www.franceinter.fr/emissions/l-esprit-d-initiative/l-esprit-d-initiative-23-fevrier-2018). On recherche des travailleurs en Antarctique. Je n'avais jamais pensé que des gens pouvaient travailler sur ce continent... Étant intéressé par les pays froid et après plusieurs voyages en Scandinavie, je me dis que ce serait génial. Je retrouve l'annonce sur le site de l'institut polaire Paul-Emile Victor (IPEV), l'idée s'incruste dans ma tête. Mais ma maison commence tout juste à se construire, j'ai beaucoup de travaux à faire. Je range cette annonce d'emploi tout au fond de mon esprit, dans la case "ce serait cool mais je ne le ferai jamais..."

Octobre 2018:
En rentrant à vélo d'une soirée chez des amis, l'idée ressurgit d'un coup, alors que cela faisait 6 mois que je n'y avais plus pensé. En pleine nuit, je trouve le blog de quelqu'un qui a vécu cette aventure et j'en lis une grande partie. La semaine suivante, je trouve d'autres récits, je les dévore. La construction de ma maison avance bien, je n'ai pas d'autres contraintes, c'est décidé: je vais postuler.
J'en parle à mes proches, mes parents me prennent un peu pour un fou puis comprennent ma démarche, ma sœur me dit de foncer. Je n'attendais pas leur approbation mais il est toujours bon d'avoir un avis extérieur.

Novembre 2018:
Je suis toujours aussi déterminé, j'ai eu le temps de rédiger ma lettre de motivation et mon CV. Grâce aux autres blogs, je sais que les annonces d'emploi sont publiées en novembre. Donc je vérifie tous les jours sur le site de l'IPEV, pour postuler dans les premiers, même si cela n'a sûrement aucune importance... Le 27 novembre 2018, je répond à l'annonce, les dés sont jetés, c'est le début de l'aventure.

Février 2019:
Je suis sur un chantier, mon téléphone sonne, je regarde le numéro, il commence par 02.98... Je me dis: "encore de la pub, qui est-ce qui m'embête?..." Je me décide quand même à répondre, et j'entends: "Bonjour, c'est l'institut polaire, vous avez un moment pour discuter?" A la fin du coup de fil, je me retrouve avec les jambes qui tremblent, une montée d'adrénaline, un entretien Skype quelques jours plus tard et un questionnaire à répondre sur mes attentes, mes motivations et mes peurs sur une telle mission.
Trois jours plus tard, je suis en direct avec Mme André-Le Marec (DRH) et M. Drapeau (responsable technique). L'entretien se passe plutôt bien. A la fin de celui ci, je demande quelle sera la suite des évènements: je serai convoqué prochainement pour une visite médicale et psychologique, et si je suis apte, je serai engagé!

Mars 2019:
Rendez-vous à Paris pour les formalités médicales. Après une mauvaise nuit dans une auberge de jeunesse, je me rends au centre médical des entreprises travaillant à l'extérieur (CMETE). Je passe ma matinée entre les mains de différents médecins, pour réaliser une batterie d'examens: cardiaques, sanguins, visuels, radio des dents et des poumons, etc.
L'après midi, j'ai rendez-vous dans les bureaux des TAAF pour un examen psychologique. Je commence par remplir un QCM de 150 questions environ puis j'enchaîne avec un entretien avec une psychologue. Je dois raconter ma vie, exposer mes motivations, mes interactions sociales, etc. Je dois également effectuer le test de Rorschach: on me montre des tâches d'encres et je dois indiquer ce que je devine dedans. Vous pouvez rechercher quelques planches appartenant à ce test, et vous rendre compte que ce n'est pas si facile de répondre. Après deux heures d'examens, je suis libéré.
Je termine cette journée épuisé comme rarement je ne l'ai été.

Avril 2019:
Voilà un mois et demi que j'attends la réponse, c'est long, très long... Puis je reçois un coup de téléphone du médecin des TAAF, il me manque un examen oculaire et dentaire. Je passe sans problème l'examen des yeux. Puis le dentiste m'annonce que je dois enlever les quatre dents de sagesse. Ce sera fait en juillet: il faut souffrir pour l'Antarctique!

Mai 2019:
Je retourne à Paris pour un entretien "réel" et détendu avec les représentants de l'Ipev. Je fourni mes diplômes, on me présente le programme de travaux, je demande des précisions sur les conditions de travail et de vie sur place. C'est donc officiel: JE VAIS TRAVAILLER EN ANTARCTIQUE !!!





mardi 29 octobre 2019

Où? Quand? Comment? Pour faire quoi? ... Toutes les questions que vous n'avez jamais osé me poser!

Depuis que j'ai commencé à annoncer autour de moi que je partais travailler un an en Antarctique, on me pose souvent les mêmes questions. Je vais tenter de répondre aux plus courantes.

Où vas-tu? Pour combien de temps?

Je vais faire de la menuiserie pendant un an, de décembre 2019 à décembre 2020, en Antarctique, sur la base Dumont d'Urville (DDU), en Terre Adélie (territoire de l'antarctique revendiqué par la France). La base est situé sur l'île des pétrels, à cinq kilomètres du continent. C'est donc tout au sud de notre planète, et non au nord!

Photo © Samuel Blanc

Comment y vas-tu?

Je vais jusqu'à Hobart, en Tasmanie, une île au sud de l'Australie, en avion. Il est prévu que l'on fasse escale à Hongkong et Sydney. Après les airs, nous prendrons la mer pour six jours de bateau, direction plein sud. Nous voyagerons sur un petit brise glace, l'Astrolabe, armé par la Marine Nationale. Le voyage risque d'être mouvementé, puisque nous traverserons des mers parmi les plus agitées au monde...
Une fois arrivé aux abords de l'Antarctique, sois nous auront droit à un tour d'hélicoptère pour relier la base, sois les conditions de glaces permettront de débarquer directement sur base.





Quelles seront les conditions météorologiques? Tu vas vivre six mois dans le noir?

La température sera acceptable et supportable avec "seulement" -30°c au plein cœur de l'hiver et environ +5°c pour les plus belles journées d'été. Nous serons plutôt épargnés comparés à des bases situées à l'intérieur du continent où les températures peuvent descendre jusqu'à -80°c.
Bien sûr, il y aura du soleil, des nuages ou des précipitations comme partout ailleurs! Mais tout cela serait facile à supporter si le vent ne mettait pas son grain de sel. Il souffle quasiment en permanence et peut atteindre une vitesse de 200km/h (très rarement). Les températures ressenties sont donc bien plus froides que le thermomètre pourrait le laisser penser.
Le soleil sera visible 24h/24 pendant l'été et au minimum 2 heures par jour au solstice d'hiver, si la météo est clémente... Et n'oubliez pas que les saisons sont inversées dans l'hémisphère sud.

Mais il n'y a pas de bois sur place, que vas tu faire?

Je vais entretenir, réparer et rénover les 5 000m2 de bâtiments que compte la base, suivant le plan de rénovation prévu. Je suis également en charge des fabriquer des objets ou des meubles en bois de toutes sortes, à la demande des scientifiques présents sur place pour mettre en place leurs expériences. Toutes les matières premières arrivent par le bateau l'Astrolabe.

Et si la vie là-bas te plaît, tu restes vivre sur place plus longtemps? Il y a des habitants sur place?

J'ai signé un contrat d'une année, donc je vais rester sur place un an, les règles sont simples. Je ne pourrai pas partir en vacances au milieu de ma mission ni prolonger l'aventure. Il n'y a aucun habitant humains à l'année en Antarctique, les personnels de toutes les bases du continent sont relevés régulièrement. Il n'est pas possible de vivre de façon autonome sur place.

Tu vas te faire manger par les ours polaires et les pingouins?

Il n'y a pas d'ours polaires en Antarctique, il n'y a pas de pingouins en Antarctique! Je répète: Il n'y a pas d'ours polaires en Antarctique, il n'y a pas de pingouins en Antarctique! Ils sont situés dans l'hémisphère nord.
Par contre je vais rencontrer des manchots empereurs et des manchots Adélie, ils sont inoffensifs et fortement protégés. J'aurai également la chance de voir voir des baleines, des phoques et des oiseaux.
Le seul animal qui peut être dangereux est le léopard de mer, c'est une espèce de phoque, redouté pour ses morsures.

Avec qui vas-tu partir? Combien serez-vous sur la base?

Les effectifs sur base varient entre 80-100 personnes en été (de novembre à mars) et 25 personnes en hiver (de mars à novembre). En été, il y a beaucoup de scientifiques qui viennent réaliser leurs expériences et de personnels techniques en renfort. En hiver, nous serons partagés également entre techniques (cuisinier, plombier, electricien...), scientifiques (chimiste, ornithologue...), un médecin, trois météorologues et deux personnes de l'armée en charge des communications et du courrier.

Voici quelques informations qui vous permettront de comprendre les bases de ma mission. Vous avez sûrement plein d'autres questions, j'essaierai d'y répondre tout au long de cette année.