samedi 30 novembre 2019

Grand départ: dans les airs

Jeudi matin: après une courte nuit et un réveil aux aurores, j'ai retrouvé Valérian (électrotechnicien) et Pascal (plombier) à l'aéroport de Genève. Un gros bisou à la maman, et c'est parti pour 48h d'aventure aérienne! Nous enregistrons nos bagages et montons dans l'avion direction Paris, lieu de rendez-vous avec le reste de la mission. Dès que nous atterrissons à Roissy, nous suivons les directions correspondances internationales, un petit tour de bus et nous arrivons dans la zone internationale.
Mais nous devons ressortir pour aller à la rencontre du groupe et de Viviane, notre référente à l'IPEV. Heureusement, après avoir tourné en rond dans le terminal, nous nous faisons indiquer une porte dérobée pour quitter cette zone sans prendre d'avion, je ne pensais pas que c'était possible... Nous retrouvons l'ensemble de la mission ainsi que quelques estivants, je signe mon contrat avec les nouvelles dates de voyage, je récupère mon visa et nous embarquons pour Hongkong, 11h de vol. Nous voyageons avec Cathay Pacific, compagnie hongkonaise. Dans l'avion, nous traversons les classes business, ça donne envie, puis on se retrouve en économique: mes grandes jambes coincées, la guerre des accoudoirs. Quel plaisir! Je m'occupe en regardant quelques films, une demi-heure de sieste et en mangeant (ça occupe la tête). Nous sommes partis à 12h30 de Paris puis avons atterri à 7h à Hongkong. Je me retrouve donc à avoir fait nuit blanche grâce au décalage horaire. La lutte contre le sommeil a été féroce le temps de l'escale, 12h.

HongKong 7h du matin

Certains collègues sont allés visiter la ville, mais je n'avais pas la force. Nous meublons les 12h en nous reposant, nous ravitaillant et nous lavant dans un salon lounge assez modeste. J'ai la chance d'avoir été surclassé dans un autre salon, bien plus luxueux, mais je suis un des seuls du groupe à avoir cette chance. Je m'y rend donc dans l'après midi, pour me doucher (oh joie!) et faire une petite sieste dans des sièges confortables.
A 19h, nous décollons pour Sydney, après un nouveau film, j'arrive à dormir plus ou moins bien, toujours gêné par la position. A 3h du matin, nous sommes réveillés pour le petit déjeuner, plus ou moins bon, toujours emballé, et suremballé... Le mieux étant les bouteilles d'Evian distribuées en classe affaires: les gens boivent de l'eau de Haute-Savoie (je sais qu'on est les meilleurs!) à l'autre bout du monde!  Mais bon, après 20 000km en avion je crois que notre bilan carbone est déjà explosé et que nous pourrirons en enfer!
Arrivé à Sydney, nous récupérons nos bagages, alors que l'on nous avait dit à Genève qu'il n'y avait pas besoin, merci à ceux qui ont eu d'autres informations de nous avoir sauvés. A l'immigration, j'ai seulement droit au chien renifleur et au contrôle automatique du passeport. Je pensais les douanes plus tatillonnes.
Nous rembarquons pour Hobart peu de temps après pour les deux dernières heures de vol, il est temps que cela se finisse, tout le monde est bien fatigué.

 Le mont Wellington surplombant Hobart
 Centre d'Hobart
A Hobart, un minibus nous attend pour nous mener à l'hôtel. Nous retrouvons enfin les hivernants-naufragés qui devaient partir sur R0, ils sont tous bronzés après deux semaines et demi en Tasmanie. Un repas puis nous partons avec eux visiter un peu la ville et boire un coca. Je les abandonne rapidement pour aller me reposer, je suis tellement fatigué que j'ai l'impression d'être alcoolisé.
 L'Aurora Australis nous attendant à quai

La suite se passera demain, 1er décembre, pour l'embarquement sur le bateau et le départ prévu 14h (heure locale), soit 4h (heure française).
Prochaines nouvelles quand je serai arrivé à DDU

mardi 26 novembre 2019

Changement de plan

"Ça y est, je ne pars plus!" voilà ce que je me suis dit il y a quelques jours. Mes co-hivernants nous ont informé que notre navire ravitailleur était en panne, alors qu'eux même étaient déjà au port de départ. Et ce n'est pas une panne anodine: la ligne d'arbre (la pièce qui relie le moteur aux hélices) est endommagée. Après expertise, il a été décidé que l'Astrolabe ne permettait pas de voyager en sécurité dans les glaces. Il doit donc aller en réparation jusqu'en janvier.
L'Astrolabe
© Yann Gwilhoù, CC-BY-SA 4.0

Le premier bateau devait partir le 13-14 novembre, pour la première rotation de la saison (R0). Mon départ de France était prévu le 3 décembre pour prendre la seconde rotation (R1).
Pendant quelques jours nous étions dans le flou, même si nous étions bien informé par l'Ipev. Il a été décider de fusionner R0 et R1 avec un départ d'Hobart le 1er décembre. Grâce aux australiens qui ont mis à disposition un de leur bateau, nous pourrons rejoindre notre base, la ravitailler, mettre en place la science prévue pour l'été et "ramener à la civilisation" les hivernants sortants. Ce problème n'a pour le moment pas beaucoup d'incidence sur ma mission, mais a touché plus sérieusement les futurs hivernants devant voyager sur R0 (déjà 15 jours d'attente à Hobart pour eux) ou certains campagnards d'été dont la mission a dû être annulée ou modifiée.

 L'Aurora Australis

Je pars donc jeudi 28 novembre de Genève, pour arriver à Hobart le 30 novembre, via Paris, Hong-Kong et Sydney, et embarquer sur notre nouveau bateau le 1er décembre. Ce bateau, l'Aurora Australis, est un brise glace (comme l'Astrolabe) et nous emmènera à DDU en 8-9 jours de mer. Nous ferons un détour par l'île Macquarie, où une base australienne est installée. C'est une chance de passer là-bas (même si je doute que nous puissions débarquer)  puisque cette île regorge d'espèces de manchots, d'otaries et d'oiseaux que nous ne pourrons pas observer en Antarctique.


dimanche 24 novembre 2019

La rencontre avec les autres hivernants

Du 21 au 28 septembre, je suis parti en séminaire à Brest. Le but était de rencontrer mes futurs collègues, de commencer à former un groupe, de se former et de s'informer sur nos prochaines conditions de vie.
 Nous étions logés au Conquet dans un village vacances

Nous avons commencé par une formation, le samedi, à la conduite aux engins à chenille, avec mes futurs collègues techniciens. Après une matinée théorique, nous avons eu l'opportunité de conduire un bulldozer sur un chantier. Avec plus ou moins de réussite: il faut appuyer sur un genre d'accélérateur pour ralentir...


J'ai profité du dimanche pour me balader en bord d'océan et profiter du peu de beau temps que la Bretagne nous a offert.
Puis le lundi matin, nous nous sommes tous retrouvés, hivernants des 5 bases antarctiques et subantarctiques, au siège de l'IPEV.
Le programme de la semaine a été chargé:
-Présentation de l'IPEV, des personnels et de leurs missions
-Présentations des Terres Australes et Antarctiques Francaise et des réserves naturelles
-Exposé de quelques travaux et études réalisés sur les bases
-Découverte de nos tenues
-Réunion sur les risques sanitaires liés à l'isolement
-Informations sur le voyage et l'administratif
-Formation incendie et utilisation d'extincteurs
-Informations sur les conditions de travail et le programme des travaux
Et plein d'autres choses.

Le mardi soir, nous avons eu la chance de pouvoir visiter Océanopolis (l'aquarium de Brest) puis de nous détendre avec un apéritif dînatoire au milieu des bassins pour mieux faire connaissance avec les futurs collègues.
Les bungalows partagés, les repas pris en commun, la semaine de formation nous a permis de bien se découvrir. Et j'en suis ressorti plus impatient que jamais! Le retour au travail le lundi suivant fût laborieux.

 Et voici le groupe du 70eme hivernage en Terre Adélie quasiment au complet









mercredi 20 novembre 2019

Mes bagages pour un an


Que prendre pour vivre un an l'autre bout du monde sans supermarché? C'est la grande question que chaque hivernant se pose avant de partir. Il y a de quoi occuper les vacances d'été.

Il faut prévoir de quoi s'habiller, se laver, se détendre, quelques plaisirs gustatifs et ce qui peut être utile pour les vacances au retour (matériel de camping). Heureusement, l'IPEV nous fournit des vêtements et chaussures contre le froid: bottes Sorel, veste chaude, sous-vêtements thermiques,  gants... Les hivernants en place nous fournissent également une liste d'objets divers et variés à emmener avec nous.
Nous avons droit chacun à 120kg répartis dans 3 malles métalliques de 40 kg chacune. J'ai dû envoyer ces malles avant le 6 septembre, à Brest au siège de l'IPEV. Elles sont ensuite parties en bateau porte-conteneur jusqu'en Australie, et je les retrouverai sur la base puisqu'elles voyageront avec moi sur l'Astrolabe.



Je me suis donc retrouvé en plein été à acheter des crampons et des moufles, à dévaliser le rayon savon ou dentifrice du supermarché. Vous savez combien de tubes de dentifrices vous utilisez chaque année? Moi non plus.
J'ai également envoyé sur place une paire de ski de randonnée nordique, placés dans un tube PVC pour le transport, je ne pouvais pas me résoudre à rester un an dans la neige sans skier.
Mes derniers bagages voyageront avec moi dans l'avion, 30kg max, pour emmener les affaires qui me manquent.









mercredi 13 novembre 2019

Comment partir travailler à l'autre bout du monde?


Février 2018:
Un jour, je tombe sur une émission de radio sur France Inter (https://www.franceinter.fr/emissions/l-esprit-d-initiative/l-esprit-d-initiative-23-fevrier-2018). On recherche des travailleurs en Antarctique. Je n'avais jamais pensé que des gens pouvaient travailler sur ce continent... Étant intéressé par les pays froid et après plusieurs voyages en Scandinavie, je me dis que ce serait génial. Je retrouve l'annonce sur le site de l'institut polaire Paul-Emile Victor (IPEV), l'idée s'incruste dans ma tête. Mais ma maison commence tout juste à se construire, j'ai beaucoup de travaux à faire. Je range cette annonce d'emploi tout au fond de mon esprit, dans la case "ce serait cool mais je ne le ferai jamais..."

Octobre 2018:
En rentrant à vélo d'une soirée chez des amis, l'idée ressurgit d'un coup, alors que cela faisait 6 mois que je n'y avais plus pensé. En pleine nuit, je trouve le blog de quelqu'un qui a vécu cette aventure et j'en lis une grande partie. La semaine suivante, je trouve d'autres récits, je les dévore. La construction de ma maison avance bien, je n'ai pas d'autres contraintes, c'est décidé: je vais postuler.
J'en parle à mes proches, mes parents me prennent un peu pour un fou puis comprennent ma démarche, ma sœur me dit de foncer. Je n'attendais pas leur approbation mais il est toujours bon d'avoir un avis extérieur.

Novembre 2018:
Je suis toujours aussi déterminé, j'ai eu le temps de rédiger ma lettre de motivation et mon CV. Grâce aux autres blogs, je sais que les annonces d'emploi sont publiées en novembre. Donc je vérifie tous les jours sur le site de l'IPEV, pour postuler dans les premiers, même si cela n'a sûrement aucune importance... Le 27 novembre 2018, je répond à l'annonce, les dés sont jetés, c'est le début de l'aventure.

Février 2019:
Je suis sur un chantier, mon téléphone sonne, je regarde le numéro, il commence par 02.98... Je me dis: "encore de la pub, qui est-ce qui m'embête?..." Je me décide quand même à répondre, et j'entends: "Bonjour, c'est l'institut polaire, vous avez un moment pour discuter?" A la fin du coup de fil, je me retrouve avec les jambes qui tremblent, une montée d'adrénaline, un entretien Skype quelques jours plus tard et un questionnaire à répondre sur mes attentes, mes motivations et mes peurs sur une telle mission.
Trois jours plus tard, je suis en direct avec Mme André-Le Marec (DRH) et M. Drapeau (responsable technique). L'entretien se passe plutôt bien. A la fin de celui ci, je demande quelle sera la suite des évènements: je serai convoqué prochainement pour une visite médicale et psychologique, et si je suis apte, je serai engagé!

Mars 2019:
Rendez-vous à Paris pour les formalités médicales. Après une mauvaise nuit dans une auberge de jeunesse, je me rends au centre médical des entreprises travaillant à l'extérieur (CMETE). Je passe ma matinée entre les mains de différents médecins, pour réaliser une batterie d'examens: cardiaques, sanguins, visuels, radio des dents et des poumons, etc.
L'après midi, j'ai rendez-vous dans les bureaux des TAAF pour un examen psychologique. Je commence par remplir un QCM de 150 questions environ puis j'enchaîne avec un entretien avec une psychologue. Je dois raconter ma vie, exposer mes motivations, mes interactions sociales, etc. Je dois également effectuer le test de Rorschach: on me montre des tâches d'encres et je dois indiquer ce que je devine dedans. Vous pouvez rechercher quelques planches appartenant à ce test, et vous rendre compte que ce n'est pas si facile de répondre. Après deux heures d'examens, je suis libéré.
Je termine cette journée épuisé comme rarement je ne l'ai été.

Avril 2019:
Voilà un mois et demi que j'attends la réponse, c'est long, très long... Puis je reçois un coup de téléphone du médecin des TAAF, il me manque un examen oculaire et dentaire. Je passe sans problème l'examen des yeux. Puis le dentiste m'annonce que je dois enlever les quatre dents de sagesse. Ce sera fait en juillet: il faut souffrir pour l'Antarctique!

Mai 2019:
Je retourne à Paris pour un entretien "réel" et détendu avec les représentants de l'Ipev. Je fourni mes diplômes, on me présente le programme de travaux, je demande des précisions sur les conditions de travail et de vie sur place. C'est donc officiel: JE VAIS TRAVAILLER EN ANTARCTIQUE !!!