samedi 16 janvier 2021

Retour sur Terre

Je suis rentré. Si vous ne le saviez pas, je suis parti de DDU le 15 décembre, il y a tout juste un mois, pour dix jour de voyage pour arriver à la maison le 24 décembre au soir, juste à l'heure pour le repas du réveillon.

Le départ a été avancé par rapport au calendrier initial, comme bien souvent. Nous avons eu la chance d'embarquer sous le soleil, après les derniers adieux sur le quai et la haie d'honneur. Beaucoup de monde était présent pour nous souhaiter un bon retour. Je ne me suis pas trop attardé, j'étais content de monter sur le bateau après avoir tourné en rond les deux derniers jours. Un petit tour dans nos cabines suivi d'un exercice de sécurité, à 18h30, c'était l'heure du départ. Naviguer sur une mer parfaitement plate, au soleil, entre les icebergs près desquels nous marchions quelques mois plus tôt était magnifique. L'arrivée un an plus tôt et le départ, tous les deux avec des conditions climatiques parfaites restent de très bons souvenirs.

Au revoir

 

Le lendemain, après avoir passé traversé les derniers morceaux de glace, la mer a commencé à se creuser. Et le bateau a commencé à bien bouger. Lors de l'exercice incendie, j'étais pas loin de rendre le repas du midi. J'en ai donc profité pour me coller un patch anti mal de mer derrière l'oreille. C'était assez efficace, mais on a droit à la bouche sèche et des somnolences en contrepartie. Tant mieux, j'ai pu me faire des grandes siestes pour passer le temps. Au bout de deux jours, je ne ressentais plus aucun symptômes du mal de mer et la croisière s'est mieux terminée. 

Avant la grosse mer

Mais les six jours ont tout de même été longs, il n'y a pas beaucoup de choses pour s'occuper. Nos journées consistaient à manger, dormir, regarder des films et jouer à la belote. Les hivernant de Concordia qui rentraient avec nous ont organisé des conférences pour présenter leurs travaux et la vie sur leur base. C'était intéressant de pouvoir comparer. Je me dis que jamais je ne pourrai hiverner un an là-bas, la faune, les promenades, le soleil me manqueraient trop.
Une soirée a également été consacrée à un blind-test musical, en équipe, pour occuper tout le monde, marins et passagers.
Nous avons eu droit à une visite de la salle des machines, assez impressionnante. Des moteurs et de la production d'eau, comme à la centrale de DDU, mais en largement plus moderne. Normal, le bateau date de 2017. Mais il consomme tout de même entre 18 000 et 25 000 litres de fioul par jour.



Les commandes et un des moteurs

En chemin, nous avons eu l'immense chance de croiser un groupe de 5-6 orques. Ils étaient à une centaine de mètres sur le devant  du bateau. Le pilote a ralenti pour que tout le monde puisse les admirer. L'observation d'orques est rare pendant une traversée. Et un peu plus tard, nous avons appris qu'il s'agissait d'orques subantarctiques (type D), observés moins d'une dizaine de fois dans le monde depuis leur découverte. Une sacré chance.
Par contre, nous n'avons pu voir les concurrents du Vendée Globe. A quelques heures près, nous aurions pu croiser un de ces bateaux de course. C'est dommage.

Orque subantarctique
 

 

Après six jours à ne voir que la mer à perte de vue, la Tasmanie à l'horizon a signé la fin de notre isolement. Bateaux, avions, voitures, mouches, réseau téléphone, retour à la réalité. L'odeur des eucalyptus et la chaleur étaient incroyables. A ce moment, j'étais vraiment déçu de ne pas pouvoir profiter de ce passage à l'autre bout du monde pour prendre quelques semaines.de vacances.
Une journée entière à attendre au mouillage dans la baie, c'était l'occasion d'un barbecue sur le pont arrière. Puis direction le port pour se mettre à quai, l'occasion de nos premiers contacts avec un monde masqué. Nous n'avons pas le droit de sortir, le masque est obligatoire sur le bateau... Au moment de notre arrivée, les infos nous apprennent que le Covid est arrivé en Antarctique, sur une base chilienne... Les australiens sont moins content de nous voir arriver. Même si nous savons que nous n'avons aucune d'être infecté (les chiliens sont à des milliers de kilomètres de DDU et nous n'avons pas de liaisons avec eux). Ce sera donc test PCR pour tout le monde avant de prendre le bus et l'avion. De toute façons, nous aurions eu besoin d'un test pour rentrer en France.


Terre, terre...

... et chaleur!


Ensuite c'est un enchaînement d'avion Hobart->Sydney->Qatar->Paris. Nous avons eu la chance qu'ils soient peu remplis pour dormir assez confortablement. Un dernier au revoir à Paris, moins émouvants qu'à DDU puis le train jusqu'à la maison, pour boucler cette année.


lundi 14 décembre 2020

Retour à la maison

Le bateau est à quai depuis une petite semaine. Le travail de déchargement des conteneurs et du fioul a été achevé samedi. Ce week-end était donc plus calme pour tout le monde. Les marins ont pu profiter de quelques jours de repos pour descendre à terre, certains n’étaient pas sortis du bateau depuis leur départ de la Réunion, en septembre dernier.

 Depuis samedi soir, je suis également en vacances. On en a profité pour fêter une dernière fois tous ensemble, et du dimanche ensoleillé pour un pique nique au bord de l’eau, en petit comité. Au soleil, +4°c, sans vent avec les manchots adélie qui nageaient à nos pieds, l’après-midi fut confortable.

Lundi matin, les spéculations allaient bon train pour savoir notre date de départ. C’est donc officiel, nous embarquons aujourd’hui à 14h30, pour un départ du bateau ce soir ou demain matin. Pour six jours de bateau, vingt-quatre heures de vol et quatre heures de train. Arrivée prévue le 24 au soir à la maison. 

 

Hier, nous avons enfin fini et accroché notre tableau de mission, marquant notre passage dans ces lieux. Une très belle œuvre collective : Julien pour la conception et le mécanisme, Pascal G. pour la marqueterie, Valentin pour les photos et tout le monde pour le reste (finition, collage, motivation !, ponçage, impression…).

  

 

J’ai pu aussi voir partir les derniers petits manchots empereurs, ceux que nous avons vu grandir au fil des mois.

 Je ne suis pas spécialement content de partir de cet endroit incroyable mis je suis très heureux de rentrer à la maison !

J’étais venu ici avec un certains nombres d’envies et d’objectifs et je crois les avoir tous remplis. Je pense que le terme « mission accomplie » est de circonstance. Le retour est plus facile dans ces conditions.

A bientôt en France.

dimanche 6 décembre 2020

Un an

 

6 Décembre. Voilà déjà un an que je suis arrivé ici, en Antarctique. L’heure n’est pas encore au bilan puisqu’il me reste une dizaine de jours de présence sur base avant de reprendre le bateau.  L’Astrolabe est parti vendredi d’Hobart, arrivera mercredi ou jeudi, pour rester une semaine à quai, avant de me ramener à la « vie normale », en compagnie de six de mes co-hivernants et des hivernants de Concordia qui arrivent dans les prochains jours en avion.

Je ne suis pas mécontent de partir. Depuis le départ d’une partie de la TA70 et l’arrivée de la TA71, je me sens moins à ma place ici. Je suis moins motivé par les rencontres, les discussions mais j’en profite toujours pour admirer les paysages qui restent incroyables comme au premier jour. 

 Côté travail, je ne m’ennuie pas du tout. Je travaille maintenant à la rénovation du « hangar bleu ».   Nous refaisons le bardage et la couverture de cet atelier/stockage pour les véhicules.  Les tôles sont abîmées par les engins de déneigement et les conditions climatiques. Il faudra d’ailleurs lui trouver un nouveau nom, puisque sa couleur va passer de bleu à gris.

Je passe donc mes journées à travailler avec une disqueuse, un marteau piqueur ou à brasser de la ferraille. Le travail est un peu moins fin que la fabrication de meubles… Je ne ferai pas ça toute ma vie mais l’équipe est bonne. Je serai sur ce chantier jusqu’à la fin de mon séjour.
C’est bien sûr un travail en extérieur, donc exposé aux conditions climatiques. Même si je me suis bien endurci pendant cette année, la première semaine de travaux à travailler sur un toit avec 60 km/h de vent et des températures légèrement négatives n’était pas très agréable. Heureusement, le soleil et la chaleur sont revenus. Mais maintenant, avec les températures positives, nous pataugeons dans un mélange de fiente de manchot et de neige fondue.  Je vous épargne l’odeur.

  

Le lendemain du départ du bateau, juste après la débâcle, j’ai pu également voler en hélicoptère pendant 30 minutes pour aider Alexis et Camille, du programme 109. Ils devaient effectuer un comptage des manchot Adélie sur tout l’archipel. Mais les îles Fram, Ifo, Hélène, Pasteur et Curie sont maintenant les pieds dans l’eau. Ils ont donc opter pour un comptage photographique. Je notais les séries de photos entre chaque île pour ne pas se perdre dans les fichiers. J’ai pu donc en profiter pour admirer les plaques de banquise qui partaient au large, les îles sur lesquelles nous marchions quelques semaines auparavant,  les couleurs incroyables de l’eau…

 

J’ai aussi eu la chance d’aider les ornithologues pour le transpondage de poussins manchots empereurs. Leur missions sur la semaine était d’en marquer trois cent. Nous en avons fait soixante en une journée. Le but était de les mesurer, peser, marquer avec une puce, effectuer une prise de sang avant qu’ils ne partent en mer. c’était incroyable de pouvoir enfin les porter et les toucher après un an à les voir de près. Allongés sur nous le temps des mesures, on pouvaient sentir leur odeur de poissons et ressentir leur force et leur plumage dense.

C’était assez physique, puisqu’ils pèsent entre quinze et vingt kilos, et que surtout ils donnent de violents coups d’ailerons. Le port du masque de ski était vivement recommandé, pour se protéger. Je me suis pris plusieurs coups dans le nez, ce n’était pas très agréable. Ainsi qu’une griffure sur le bras, ce sera ma blessure de héros polaire.

Nous pensions fort à nous co-hivernants partis sur R0 qui n’ont pas pu participer à cette manip,  avec leur départ rapide, ils n’ont pas pu en profiter. 

 

 


samedi 21 novembre 2020

Rotation terminée, passation en cours

Samedi 14 novembre au matin, le bateau est en vue. Il est bloqué par la glace à sept kilomètres au nord de l'île, juste à côté des immenses icebergs qui habillent notre paysage depuis un an.  

 

Après une réunion sur la sécurité des hélicos sur base, je pars avec Julien pour déneiger (encore) une des zones d'atterrissage près du dortoir été. On nous a dit qu'il fallait juste passer une coup de balai pour enlever la poudreuse, mais en arrivant on découvre jusqu'à cinquante centimètres de neige bien tassée. La tempête Pol nous a joué encore un mauvais tour, nous passons trois heures à dégager le tout. On se fera avoir jusqu'à la fin.

Dès 14h, les premiers hélicos commencent les aller-retours pour débarquer les hivernants et campagnards d'été. Nous sommes tous rassemblés dans le séjour, guettant les arrivées de nos successeurs. J'en profite aussi pour discuter avec les campagnards que nous avons connu l'été dernier. On échange sur les difficultés du trajet,  de la vie en France, leur quatorzaine ou sur notre hivernage.
Je peux enfin discuter avec Mickaël, mon successeur. Je l'emmène directement à l'atelier, qu'il puisse découvrir son outil de travail. Il y a ensuite beaucoup de bâtiments à visiter, lui montrer la chambre, présenter un peu les animaux... J'essaie de ne pas trop le noyer sous les informations. Je me souviens des difficultés que j'ai pu rencontrer l'an dernier à mon arrivée. Il y a tellement de changement par rapport à la France (lieu de vie, de travail, environnement, personnes différentes, rythme) que l'adaptation peut être un peu longue. Mais au moins, nous avons un mois pour que je puisse lui transmettre toutes les spécificités du travail ici donc il n'y a pas trop de stress. Du bois reste du bois partout dans le monde! 


J'ai aussi le regret de lui annoncer que nous sommes de service base le lendemain, nous avons donc la chance de commencer la passation de consigne par du ménage. C'est nettement plus sportif de servir et de faire la plonge pour 65 personnes qu'en plein hiver où nous étions 24 à s'entraider plus ou moins.
En même temps, la valse des hélicoptères reprend pour vider les conteneurs de l'Astrolabe. Toute la journée, des caisses métalliques sont amenées devant le séjour et le contenu dispatché entre les bâtiments. Je reçois enfin mes commandes passées en avril. Ce sera Mickaël qui en profitera. Des pièces détachées de machine, des outils et de la quincaillerie principalement.
C'est également l'occasion de recevoir les très attendus produits frais: fruits, légumes et yaourts. J'attendais avec impatience ce moment. Nous avons mangé les dernières pommes en août. Pendant que nous formions une chaîne humaine pour ranger tout au +4°c, je dévore une pêche. Et pour le repas du soir, la salade verte et les tomates ont eu un grand succès.

Pendant la journée, le bateau était stationnaire pour permettre le déchargement. Mais pendant la nuit, il continuait à grignoter doucement la "nouvelle" glace datant de la débâcle du mois de septembre. C'est ainsi que nuit après nuit, il a réussi à casser une large zone de banquise (pour ne pas rester coincé) d'une épaisseur de 80cm pour s'approcher à quelques centaines de mètres de la piste du Lion, contre l'ancienne banquise mesurant 160cm. Accosté à une banquise solide, une pelleteuse et le fioul ont pu être débarqués.
En quelques jours, nous avons retrouvé l'eau libre tout proche. Et dans la nuit de jeudi à vendredi, après le départ, avec un peu de houle, quasiment tout le restant de banquise a cassé. Le bateau a sûrement fragilisé le tout, renforcé par les températures douces. L'accès à Prud'homme est maintenant impossible en véhicule, le quai est quasiment accessible au bateau, quasiment toutes les îles sont inaccessibles, les promenades sont terminées. Je vais pouvoir ranger les chaussures de marche et les skis. 


Cassage d'une large zone de banquise

Le bateau est reparti jeudi, un peu en catastrophe, pour ramener une dizaine de mes cohivernants à la civilisation. Le départ a été avancé en raison d'une évacuation sanitaire demandée par l'île Macquarie. C'est un peu la fin de la TA70. Pour les adieux, beaucoup de monde avait une poussière dans l’œil. C'est sûrement l'air sec, comme l'on dit ici.
Nous avons profité au maximum des derniers moments que nous avons pu passer ensemble. Nous sommes peut être passé pour des gens peu sociables sur nos derniers jours ensemble. Il était surtout difficile de s'habituer aux grands changements de ces deux dernières semaines: l'agitation et le bruit contrastent nettement avec le calme d'un hiver en Antarctique.

Bon retour!

Et quelques jours avant le départ,  nous avons enfin réussi à prendre une photo de groupe à 24. C'est un sacré exploit. C'était notre quatrième essai depuis le séminaire, ce sera un beau souvenir.

mardi 10 novembre 2020

Il y a des gens

 Samedi 7 novembre 13h30.  Après huit mois et demi d'hivernage, un avion Basler (un DC3 rénové, construit dans les années quarante) atterri en Terre Adélie et met fin à notre hivernage. C'est la première trace de vie extérieure que nous voyons depuis février dernier.


J'ai eu la chance de pouvoir assister à atterrissage puisque je fais partie de l'équipe de premiers secours et que je conduisais en plus un engin pour transférer du monde.
L'avion est resté une petite heure, le temps de débarquer bagages et passagers et de refaire le plein. Puis nous sommes rentrés en traîneau tiré par un tracteur.

Le plein et ça repart
 

Avec le second avion arrivé le lendemain, nous sommes maintenant dix de plus sur la base (les deux premières hivernantes de la TA71, accompagnés de personnels techniques et scientifiques), sans compter la douzaine de personnes préparant le raid à la station de Prud'homme.
Donc depuis quelques jours, le rythme s'est accéléré. La valse des engins a repris en vue de l'arrivée de L'Astrolabe, les horaires de travail se sont rallongées, les bâtiments et les repas sont plus animés. Notre petite routine a changé. Nous retrouvons les habitudes de la campagne d'été du début d'année. Mais au moins, nous n'avons plus à gérer l'entretien de la piste d'avion, à déneiger les accès à la centrale ou aux frigos de Prud'homme, au gré des avions retardés de jours en jours,  par -15°c en plein vent.

Déneigement à Prud'homme, pour la troisième fois de la semaine...
 

Et dimanche, nous serons environ 65 avec l'arrivée du bateau! Ce sera l'occasion de retrouver ceux que l'on a côtoyé il y a quelques mois, qu'ils nous racontent un peu leur année en France et de rencontrer nos successeurs qui sont partis de chez eux voilà bientôt un mois.

Les travaux sont maintenant orientés sur le déneigement général de la base, pour accueillir le bateau et la TA71. Avec Julien, nous avons passé la journée à dégager la zone d’atterrissage de l'hélicoptère, il faisait beau et chaud (-5°c) et donc nous avons pris des bons coups de soleil sur le visage. C'est le problème ici: avec le soleil fort, le réflexion de la neige et la chaleur que l'on sent moins, on oublie un peu de mettre de la crème solaire et la sanction est immédiate. J'aurai au moins un joli teint de vacancier skieur pour les fêtes de fin d'année en France.








dimanche 1 novembre 2020

Derniers jours

 En attendant le premier avion, qui devrait arriver "normalement" mercredi 4 novembre, nous continuons logiquement les travaux sur la base. 

Tout le monde est mis à contribution pour accueillir aux mieux nos premiers visiteurs depuis huit mois. Au programme de la semaine qui s'est écoulée: grand ménage du Séjour, nettoyage des chambres inoccupées du dortoir hiver, réouverture du dortoir d'été, déneigement, retour des tables et des chaises pour 65 personnes, continuation de la préparation de la piste d'avion, rangement des ateliers...
A cela s'ajoute mes chantiers, qui ont consisté ces derniers temps à habiller le derniers endroits manquants de finition au Séjour et au BT: cloison de l'évier de la cuisine, poteaux dans le Séjour, dessous de lavabo, tuyaux de chauffage... Pour les poteaux, c'était quelque chose que j'avais envie de faire quasiment depuis le premier jour. Ils ont échappé à la rénovation de 2018 mais commençaient à faire tâche au milieu de la pièce. Juste avant de les recouvrir de Trespa, chacun a marqué ce qui lui passait par la tête au feutre indélébile. De l'art éphémère, qui sera peut être redécouvert dans cinquante ans.



   
Avant-Après
 

Et dans un peu plus de dix jours, le bateau sera également arrivé. Il faudra que je réapprenne à partager ma chambre et mon atelier pour un mois. Ce ne sera d'ailleurs plus "ma chambre" et "mon atelier", je ne serais plus que le locataire de mon successeur.

Avec les températures qui remontent (jusqu'à -1.7°c), la neige et la glace commencent à fondre un peu. A cela s'ajoute les tempêtes du mois d'octobre qui rabotent tout. Avec ce traitement, certaines caravanes du Raid entreposées à Prud'homme n'ont pas appréciées. La glace sous les patins a disparu, ce qui en a déséquilibré une. Une autre a glissé sur une centaine de mètres puis s'est retournée. Les dégâts extérieurs n'ont pas l'air méchants, en attendant que les responsables du Raid inspectent l'intérieur. 


Comme une autre grosse remorque menaçait aussi de glisser, j'ai recruté Antoine pour caler les patins avec les moyens du bord. Nous sommes partis avec un tas de bois qui traînait devant l'atelier, la tronçonneuse, la tarière, la masse et des pieux en ferraille. Le reste, c'est un concentré de French Polar Technology et d'ébénisterie à la tronçonneuse pour éviter que le convoi aille voir ailleurs.

J'ai eu aussi l’occasion de partir avec Alexis, en compagnie de Alain D. et Corentin pour l'aider à finir les comptages de phoque. Nous sommes allés jusqu'aux îles Ifo et Hélène, tout au bord de la polynie. C'était sympa de revoir de l'eau liquide sous forme naturelle, avec le bruit des clapotis et les manchots qui nageaient. 

Le départ (photo Alain D.)

Les manchots adélie à la sortie du bain

Même si nous n'avons pas vu beaucoup de phoques, que les conditions n'étaient pas idéales (-15°c et 40 km/h de vent mais soleil), c'était vraiment un plaisir de faire une dernière grosse sortie avant la fin de l'hiver. Le départ dans la neige soufflée, sans trop voir notre cap était assez magique. Et avec 35 km, c'était notre plus longue promenade. La marche en bottes souples et la déshydratation (limité par le litre d'eau du thermos) n'ont pas aidé à la performance mais les nouveaux paysages nous ont vite fait oublier les problèmes.

Photos Alain D.
 

Nous avons aussi commémoré l'accident d'hélicoptère du 28 octobre 2010. Il y a dix ans, Frédéric Vuillaume, Anthony Mangel, Jean Arquier et Lionel Guignard décédaient lors d'un trajet entre l'Astrolabe et Dumont d'Urville. Cela nous rappelle tous qu'ici la vie est confortable mais peut être parfois dangereuse.


La vue depuis Hélène









vendredi 23 octobre 2020

Dernières semaines d'hivernage

Dans environ dix jours, le premier avion devrait arriver pour nous réveiller de notre long hiver et sonner le début de la campagne d'été. Mais pour que l'avion puisse arriver de la station Mario Zucchelli, il faut un "aéroport". Enfin plutôt une piste praticable de 1200 mètres par 80 mètres, une station météo et quelques éléments de sécurité. C'est pour cela que cette semaine, nous sommes retournés à D10, à dix kilomètres au sud ouest de la base, sur le continent pour réinstaller ce que nous avions démonté en février dernier. Une bonne occasion de profiter de la magnifique vue sur l'archipel depuis les hauteurs. 

Vue de la base depuis D10
 

Nous avons commencé mercredi avec Alain.D, en partant avec le Kubota, et le traineau pour amener tout le matériel nécessaire. Il a fallu une heure de trajet pour rallier la piste. La neige, l'attelage, le petit moteur et les 250 mètres de dénivelé n'ont pas aidé... Une fois en haut, nous avons balisé la piste à l'aide du GPS, planté des drapeaux tous les 100 mètres en bord de piste, déchargé le matériel.

Je plante mon drapeau

 Pour aller à D10 le jeudi et installer la station météo, nous avions besoin du Challenger avec la grue et du Kässbohrer. Il n'y avait que Corentin qui était disponible pour conduire les véhicules, c'est comme cela que j'ai été promu conducteur d'engin après une formation de dix minutes. Je me suis retrouvé au volant d'une dameuse de plus de 300 chevaux pour qu'avec Alain.D, Michel et Antoine, nous puissions monter le mât. Heureusement je n'avais pas à gérer la lame devant mais seulement à faire avancer l'engin. Dans ces conditions la conduite est facile, il n'y a pas de vitesses à passer puisque tout est hydraulique.
Arrivé sur place, le shelter "terminal international" a été remis à sa place avec à ses côtés, la base en acier du mât. Ensuite pendant que certains assemblaient le poteau et montaient l'anémomètre, d'autres on creusé huit trous jusqu'à la glace pour les haubans de maintien et planté des pieux à la masse. Puis est venu le temps de dresser le mât et de régler le niveau avec des sangles à cliquet. C'était compliqué avec quatre personnes qui tirent chacun de leur côté avec pour consigne de ne surtout rien faire tomber. Le mât est en résine et est sécable en cas de contact sortie de piste d'un avion.


 
Montage du mât

Pendant que Michel et Alain, nos deux techniciens météo peaufinaient l'installation, avec Antoine nous sommes allé modifier l'emplacement d'un poteau de bout de piste d'avion. Ce sont des poteaux permanents en métal, situés à chaque angle de la piste pour retrouver la zone chaque année. Comme ils sont plantés dans la glace, ils bougent chaque année de quelques mètres. C'est pour cela que nous en avons déplacé un. Il nous a donné du fil à retordre, il a fallu enlever la couche de neige puis creuser la glace autour avec la tarière pour pouvoir le remettre à sa place. Avec les températures bien plus fraîches qu'à DDU (Altitude+vent+sur le continent), j'allais me réchauffer les mains sur le pot d'échappement du Kassbohrer!

Pendant ce temps là, Corentin a dégagé les traineaux de fûts de kérosène et est allé chercher un autre Challenger, avec un attelage trois points, pour utiliser le "groomer", sorte de herse cassant les mottes de neige et damant la neige. Il a passé le reste de l'après-midi à tourner en rond sur la piste accompagné de Michel, qui s'est désigné pour rester avec lui en cas de problème. Et aujourd'hui c'était mon tour de servir d'accompagnateur. Car il faut faire plusieurs passages pour parfaire la surface de neige. Il y aura donc encore plusieurs séances la semaine prochaine, à faire des allers retours pendant la demi-journée, tel un agriculteur labourant son champ. 

Groomage de la piste

Le reste de la semaine a été animé par Alexis, ornithologue-écologue organisant le comptage et le transpondage des phoques sur tout l'archipel.
Dimanche, je suis sorti avec Charlène et Cédric pour recenser les individus dans la zone autour de la base. En début de journée nous avons vu notre premier bébé phoque avec sa mère aux alentours du glacier, dans la même zone que j'étais la semaine précédente puis nous n'avons plus rien vu jusqu'à la toute fin de sortie où au détour d'une île, nous avons trouvé trois adultes et un autre bébé. Il y avait même un autre phoque qui a sorti son museau pour pour respirer dans l'eau libre de la rivière.
Et demain dimanche, je repars compter dans une autre zone, assez éloignée et où je ne suis jamais allé, l'Île Hélène et le cap Géodésie. Après cette balade, je crois que j'aurais vu tous les endroits accessibles en hiver, un de mes objectifs en venant ici. 

Avec tout cela, mes chantiers n'avancent pas très vite, même s'il ne me reste pas de gros travaux urgents.