samedi 26 septembre 2020

Les transferts de fioul

 Ces dix derniers jours n'ont pas été de tout repos.  En effet, nous avons profité des beaux jours pour transférer le maximum de fioul entre les cuves de la piste du Lion, que nous avions rempli en janvier via l'Astrolabe, et D0, le bas de la base Prud'homme. 

Nous avons transféré plus de 400m3 de carburant en moins de six jours, sur six kilomètres de distance.
Après le déshivernage du Challenger et du Kässbohrer les semaines précédentes, il a fallu récupérer les cuves sur ski qui étaient stockées à D3, sur les hauteurs de Prud'homme. C'était le programme de samedi et dimanche derniers. J'ai participé à ces manœuvres dimanche pour aider les conducteurs d'engins. Chaque cuve était tirée par Corentin avec le Challenger et retenue à l'arrière par Pol avec la dameuse, pour éviter un tête à queue sur les pentes assez raides. Mon rôle était simple: accrocher et décrocher les sangles, élingues, relever les timons... Pas très valorisant mais bien utile pour gagner du temps.

 
Descente des cuves
Aménagement de la plateforme de déchargement

Mardi après-midi, je me suis retrouvé avec Pascal G. à remplir les cuves sur traîneau sur la piste du Lion. Entre les rafales de vent catabatique à plus de 100km/h et les problèmes avec la motopompe, nous n'étions pas très efficaces... Heureusement, il ne faisait "que" -10°c donc on ne sentait quasiment pas le froid. J'ai eu aussi la chance de ne pas passer la journée dehors.

Remplissage des cuves

Le mercredi soir, j'ai accompagné Pol dans la dameuse pour faire le passager puisqu'il faut toujours êtres deux dans les véhicules sur la banquise. Nous avons fait des aller-retours sur la piste pour la remettre en état après la dizaine de passages quotidien du convoi de trente tonnes. C'était l'occasion de découvrir comment travaille cet engin.

Entretien de la piste

Jeudi, j'étais à la base Prud'homme pour vider les cuves mobiles dans des cuves fixes avec la motopompe. Pascal N. m'a expliqué comment procéder pour transférer le gasoil puis l'après-midi Valérian m'a rejoint pour que l'on s'entraide. Il fallait mieux être deux pour bouger la pompe, soulever les tuyaux, contrôler les niveaux. Même en faisant attention, on se retrouve vite imbibé de fioul et d'une bonne odeur... Néanmoins la journée fût agréable, au soleil, et sans vent. L'occasion de se reposer au soleil en attendant le remplissage. Mais attention à ne pas oublier la crème solaire: la proximité du trou de la couche d'ozone et le soleil franc m'ont laissé mes premières traces de bronzage depuis longtemps. Le travail toute la journée au froid m'a bien fatigué et je n'ai pas traîné pour aller me coucher le soir.

En plein effort de vidage de cuves

Et ce matin, j'ai fini la semaine en aidant Corentin, le chauffeur routier de la semaine (il a roulé environ 500km sur le même trajet...). Je l'aidais à atteler et detteler les remorques en le guidant, à relever les timons. Ce n'étais encore une fois pas passionnant mais j'ai pu découvrir le Challenger de l'intérieur. C'est assez impressionnant de rouler facilement sur la banquise, à presque 30km/h avec une remorque d'une quinzaine de tonnes derrière. 


Il reste trois petites cuves à remplir en début de semaine prochaine mais le plus gros du travail est fait. Nous aurons aussi neuf conteneurs de matériel à transférer, avec des moyens de levage limités, ce qui va nous obliger à réfléchir. Mais au moins, le carburant pour le Raid et Concordia est prêt.

Avec l'aide des manchots devant les cuves

jeudi 17 septembre 2020

Lauréat du prix du jury

 Je vous parlais il y a quelques semaines du concours organisé par l'AMAEPF (Amicale des missions australes et polaires françaises). Il y avait un prix du public (vote sur le site) et un prix du jury. Les résultats ont été publiés cette semaine et j'ai été désigné lauréat du prix du jury! 

 


 

Je suis heureux que mes récits et mes photos plaisent et je vous remercie de les lire. Depuis le début du blog, j'essaie de montrer la réalité d'une année de travail souvent rendu compliqué par l'éloignement et les conditions climatiques.
Je vais pense pouvoir tenir le même rythme d'écriture jusqu'au bout de l'hivernage, je suis sûr qu'il y aura encore beaucoup de péripéties à raconter.

Je remporte un chèque de 200€ et deux années d'adhésion à l'association. Je vais pouvoir payer un verre à mes co-hivernants, s'ils sont sages...

 

 


La tempête Francois nous joue des tours

 Il a soufflé très fort entre dimanche 13 et lundi 14 septembre. François est notre deuxième plus grosse tempête depuis que nous sommes ici (vent moyen sur 10 minutes de 123km/h et rafale à 177km/h). Les bâtiments ont bien tremblé, pas facile de dormir.

Pour l'anecdote, François et Michel, qui sont nos deux plus forts coups de vent, sont aussi nos deux prévisionnistes de Météo-France. On pourrait commencer à penser que le tirage au sort des noms ou les mesures sont truqués pour s'adjuger les premières places du classement!

Après la première débâcle

 

Nous commençons à nous habituer à vivre pendant les tempêtes tout en nous interrogeant des conséquences de chaque coup de vent aura sur la banquise, les manchots ou les congères. La glace de mer a peu bougé, quelques petites plaques se sont détachées et la nouvelle glace formée s'est recassée mais tout cela était prévisible après une petite semaine de regel. Avec les basses températures de cette semaine, (en deçà de -20°c) la glace commence déjà à se reformer.
Le plus gros problème est venu des congères. La dizaine de centimètre de neige tombée pendant le coup de vent associé à un vent ayant une direction inhabituelle a créé un enneigement problématique.
La porte principale du séjour et les fenêtres se sont s'est retrouvées bloquées sous deux mètres de neige alors qu'habituellement la neige s'accumulait un peu en retrait de ces ouvertures. Après deux heures de pelletage, à 5-6 personnes, la porte était ouverte pour le lundi midi.

La joie de Corentin



 Le clou du spectacle fût la dameuse Kässbohrer ensevelie sous 1.8m de neige dure comme du béton. Comme nous n'avons pas de moyens mécaniques pour creuser, il a fallu s'armer de force, de courage, de patience et de pelles solides pour dégager petit à petit l'engin avec l'aide de toutes les bonnes volontés. 


Création de la rampe de sortie

 Le début était plutôt "facile": creuser autour. Mais la suite était plus délicate: il a fallu déneiger le moteur, l'intérieur des chenilles de 120 cm de large, l'intérieur de la cabine (avec 170km/h de vent, rien n'est étanche), les flexibles de la lame... le tout à la pelle, à la truelle, au grattoir, à la soufflette. Et avec un vent de 60 km/h et -20°c. une partie de plaisir. Nous avons aussi dégagé une rampe pour que l'engin puisse s'extraire de son trou. Pour cela, nous avons sorti la fraise à neige qui a servi à dégager les morceaux de neige tassés par le vent, que nous devions d'abord labourer à la main. Sinon la fraise ne pouvait s'attaquer à une neige aussi dure.

Ouverture du capot


Au moment de démarrer, Corentin s'est rendu compte que le démarreur nous avait lâché... Suite à un autre problème, le capot moteur de l'engin ne se levait pas. Nous avons essayé d'accéder par le dessous de la machine en creusant une fosse mais l'accès pour réparer était impossible. Il ne restait plus que la grue du tracteur Challenger pour soulever le capot. Pour cela il a fallu ensuite déneiger le Challenger pour le bouger de son trou: il était beaucoup moins coincé que la dameuse mais nécessitait que le dessous du châssis soit dégagé. Ensuite Corentin et Pol ont pu lever le capot du Kässbohrer, filer à Prud'homme pour chercher la pièce de secours, la remplacer pour enfin pouvoir démarrer! Il a fallu repelleter une dernière fois pour décoller les chenilles pour qu'après 48 heures de combat la bête sorte de son trou et que la préparation des transferts de gasoil puisse reprendre son cours. Fin de l'opération Käss-bonbon.

Opération réussie

Heureusement que nous n'avons pas de neige aussi dure en France parce que le pays serait paralysé en hiver. La neige tassée par les tempêtes glaciales nécessite plus des outils de terrassement que de déneigement: pelle en acier carrée ou de maçon, et la guillotine made in DDU: une lourde lame au bout d'un manche.

Les outils de terrassement-déneigement

La banquise se reforme


Le soleil avec un parhélie

mardi 8 septembre 2020

La mer est de retour

Grosse surprise en sortant de mon atelier lundi soir: une bonne partie de la banquise a débâclé dans l'après-midi. Je ne l'ai pas vu directement, avec le bruit des machines et la musique, je ne suis pas à l'écoute de la radio. J'ai eu du mal à réaliser ce qui s'était passé. Depuis le début, on a bien conscience qu'une tempête peut fragiliser la banquise mais le vent moyen et la neige de lundi ne pouvaient pas casser une glace aussi dure.

C'est un autre phénomène qui a causé la débâcle: une forte houle venu du large, des creux d'une dizaine de mètres, s'est propagé dans le pack puis dans et sous la banquise pourtant épaisse (plus d'1.20m), la casser et retrouver de l'eau libre au pied de l'île. Une situation sûrement très rare. Heureusement que personne
n'était dehors...


C'est plutôt embêtant: dans les semaines qui arrivent, nous devons transporter 480m3 de gasoil entre la piste du Lion et le cap Prud'homme (5km), avec un tracteur Challenger, une dameuse Kässbohrer et des cuves de 12m3, en roulant sur la banquise. Une partie de la route de glace créée la semaine dernière est partie au large et nous oblige à trouver un autre chemin et rajoute du travail à Corentin et à Pol, nos conducteurs d'engins. Ce carburant doit servir à alimenter le Raid et servira à la station de Concordia, c'est donc une opération très importante, qui justifie une partie de notre présence ici.
Les véhicules ont été déshivernés et rapatriés de Prud'homme la semaine dernière, j'ai aidé au redémarrage et au déneigement de la dameuse pour une matinée. Avec -20°c et du vent fort, ce n'était pas une partie de plaisir...
Ouverture de la route sur la banquise
Rapatriement du Challenger le lendemain

Deuxième effet de la débâcle: les sorties loisirs seront nettement moins longues pour le moment. Avec l'approche de l'été, nous ne retrouverons certainement pas une banquise aussi solide et aussi sûre. Je ne vais pas me plaindre, j'en ai bien profité au début de l'hiver et depuis début du mois d’août avec une promenade quasiment chaque week-end. J'ai bien fait de ne pas attendre pour me balader loin. Le dicton: "En Antarctique, pas de pronostics" a encore prouvé sa justesse.


Il faut quand même apprécier le changement de paysage. Depuis mars, nous ne voyions que le blanc de la glace à perte de vue. C'est intéressant de redécouvrir un nouveau point de vue. Nous aurons aussi peut être la chance de voir des manchots empereurs sauter dans l'eau ou en surgir, ou bien peut être un léopard de mer.


Le bureau technique
Dans un autre registre, les travaux du Bureau technique/Météo sont enfin (presque) terminés! Il me reste deux meubles à fabriquer: un rangement dans le couloir pour la météo et un agencement pour cacher deux anciens poteaux en fibrociment (avec sûrement de l'amiante), qui recevaient anciennement des instruments scientifiques, et les transformer en mini-cuisine (frigo, micro-onde et plan de travail).
Les poteaux bleus à cacher
La salle "rescue", avec le matériel de secours
 J'ai passé les dernières semaines d’août à poser des baguettes, des plinthes, des habillages, des cache-misères, à modifier des meubles... C'était parfois pas très simple de partager le peu d'espace de travail restant avec les électriciens, la météo, l'informaticien... Je dois dire que je suis assez content de me retrouver un peu au calme dans mon atelier.
On attend maintenant que les chefs nous offre le champagne pour l'inauguration!