dimanche 28 juin 2020

C'etait la Midwinter

Une semaine de plus. Celle là restera dans ma mémoire comme une semaine de fête et de détente au milieu d'une année pas comme les autres.
Les repas copieux, le relatif beau temps (pour un hiver antarctique), la matinée foot/rugby sur banquise au soleil (avec le terrain tracé au rouge qui tâche), le feu de joie de presque la St-Jean, les soirées dansantes, les après-midi jeux et plein d'autres réjouissances. Avec tout cela nous aurons bien fêté la moitié de notre hivernage (et le début de la fin...)

J'ai proposé plusieurs activités pendant la semaine:
Une sardine, c'est le contraire du cache-cache: une personne se cache sur la base et tout le monde la cherche et reste cachée avec en moins de vingt minutes. A la fin, tout le monde se retrouve serré comme une sardine. Même si nous n'étions qu'une dizaine, c'est un jeu plaisant dans un milieu fermé.
Et un petit feu de joie pour clôturer les festivités, au milieu de la base en profitant de la chaleur des flammes. C'était sensation étrange de profiter de la chaleur en extérieur, mais avec -15°c et du vent dans le dos tandis que le ventre rôtissait à quelques mètres du feu. De quoi finir congelé-brûlé! Pour l'occasion, j'avais fabriqué un manchot empereur en bois, avec les restes d'un vieux meuble. Ne voyez pas ici un acte anti-quelque chose, mais juste une sorte de bonhomme de carnaval (et l'envie de bricoler un sculpture un soir de semaine avant la Mid).


Nous avons également organisé le concours de Miss Terre Adélie et vous avez l'honneur de lire le blog de la Première Dauphine! Mes collants en film cellophane, mes talons faits maison, mes boucles d'oreille en baguette de soudure et mes seins en balle de tennis ont sûrement fait la différence pour finir deuxième sur sept. Pour ma bonne réputation, je garderai les photos pour moi! Dans tous les cas, je crois que tout le monde s'est bien marré.


Voici le peu de soleil que l'on voit ces jours

Et nous avons profité du soleil pour prendre notre photo de Midwinter, au soleil, d'où les tenues légères. Avec -18°c et pas de vent, c'est la tenue réglementaire! Non je rigole, il faisait bien froid. On a pris la photo et remis la veste très vite.
Notre carte de voeux a été envoyée à toutes les bases antarctiques, comme le veut la tradition. Espérons qu'ils aient autant rigolé que nous.


Et vous trouverez ici le lien vers la station météo nouvellement installée par Francois Gourand, notre chef météorologiste. Vous pourrez suivre la tempête Bastien qui arrive normalement mardi!

vendredi 19 juin 2020

C'est les vacances!

Après plus de 6 mois de travail, nous commençons notre première (et seule) semaine de "presque-vacances" de l'année. Je crois que nous l'avons tous bien mérité, même s'il nous restera toujours la centrale électrique à surveiller, les service-base et les observations scientifiques au long cours à s'occuper.

Nous allons célébrer la Midwinter, fête commune sur toutes les stations de l'Antarctique et des îles subantarctique. Le but est de marquer le milieu de l'hiver austral, moment toujours un peu fatigant où le manque de soleil, la routine et l'éloignement nous touche tous, et de s'amuser pendant une semaine.
Personnellement, je suis bien content de faire une pause, pour recharger un peu les batteries. Je suis plus fatigué qu'il y a quelques semaines, le réveil le matin est assez dur. Je savais que le manque d'ensoleillement allait avoir un effet sur mon organisme, déjà en France je ressentais une baisse de régime dans l'hiver. Je me dis que cela ne durera pas avec une durée de jour qui va remonter aussi vite qu'elle a baissé.

Au programme de cette semaine, nous aurons des jeux, des soirées et des repas à thèmes bien gourmands, un feu de joie et bien d'autres choses que seuls les hivernants de la TA 70 sauront!
C'est également l'occasion de s'échanger des cartes de vœux entre bases.
Et demain, il y aura l'élection du Onze'TA, pour succéder à notre Dista (chef de district) pour une semaine et administrer les festivités. Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour certains partis, la campagne électorale a débuté. Les stratagèmes sont les même qu'en France: débat organisé, propagande, démagogie, corruption, piratage et mauvaise foi! A nous de voter demain après-midi.

Et pour terminer, je vais avoir droit à une tempête en mon nom! Après Antoine qui nous a soufflé dessus depuis deux jours, mon prénom a été tiré au sort pour lui succéder. Quand sera le prochain coup de vent au dessus de 50 nœuds? Quelle force, quelle durée, quelle vitesse maxi? Réponse dans peu de temps.

mercredi 10 juin 2020

On fait les poubelles

Avec le début du mois de juin franchement ensoleillé, nous avons eu l'occasion de transférer tous les déchets que nous stockions dans nos ateliers, chantiers et hangars pour les emmener dans les conteneurs de la piste du lion.
Le tri des déchets est ici plus poussé qu'en France. Nous devons distinguer toutes les matières qui seront compactées/broyées pour être expédiées en France ou en Australie. Chacun est responsable du tri et doit nettoyer les canettes, pots de yaourt, bouteilles qu'il jette dans les bacs pour ne pas que les conteneurs sentent trop puisque les déchets seront traités dans plusieurs années.
Nous avons:
-du plastique, qui est compacté dans des cartons par Alain puis expédié en France
-du composite (assemblage de plusieurs matières indissociables), qui est stocké dans des fûts usagés du kérosène d'hélicoptère et qui fini également en France
-le papier-carton-bois, qui est brûlé un jour sur deux dans l'incinérateur,
-l'aluminium, le verre, le PET et l'acier alimentaire sont broyés/compactés pour être expédié en Australie. Ces déchets ont de la valeur.
-les huiles de cuisine et les hydrocarbures seront retraités en France,
-l'acier industriel finira au ferrailleur en France,
-les déchets alimentaires sont broyés et envoyés par les conduites d'évacuation dans la mer
-et d'autres choses sont triés plus spécifiquement (médical, chimique...)

Le conteneur acier
En étant 24 sur la base, cela fait une jolie quantité de déchets, venant principalement, comme en France, de la cuisine et des chantiers/ateliers. Les lieux de stockage débordent vite, c'est pour cela que nous organisons un transfert de tout cela tous les deux-trois mois.
Nous avons profité des allers/retours pour évacuer les vieux panneaux de cloisons du BT et pour ramener les dalles de sol pour continuer les travaux.
Heureusement que nous avons l'aide de tout le monde et les véhicules à chenille pour le transport même si le trajet était assez long: des antennes sont plantées dans le sol pour compter les manchots empereurs. Pour les contourner, nous sommes obligés de faire un détour. Au total, il faut une heure pour un aller/retour et décharger. Avec de la lumière du jour entre 10h30 et 14h30, il a fallu optimiser les horaires et les chargements.
Optimisation
Corentin conduisait le Morooka, le plus gros véhicule, lent et avec le poste de conduite à l'extérieur. Je conduisais le Kubota, plus petit, sans chauffage mais avec au moins une cabine autour de moi. Avec -24°c, j'ai mis les bottes fourrées, les moufles et des chaufferettes à l'intérieur. Il fallait bien tout cela.
Avant de décharger les véhicules, il a fallu ouvrir un conteneur enneigé pour récupérer des fûts de kérosène pour le composite. Bien sûr, ils étaient stockés où la congère était la plus haute. Deux mètres cubes de neige à déblayer à la pelle. Le temps que l'on arrive, Alain (60 ans passés...)avait quasiment tout enlevé. J'ai pris le relais sur la fin et je n'avais plus froid! J'espère avoir encore une telle forme à son âge.
Sous deux mètres de neige
Ensuite pendant deux jours, nous avons enchaîné les tours pour vider les poubelles de tout le monde. Quand je retournais à l'atelier en fin de journée, j'avais du mal à me remettre au travail, le grand froid, ça calme.
Voilà notre vie de gérant de déchetterie antarctique!

Dans un autre registre, fait assez rare, dimanche dernier un gros morceau d'iceberg/glacier s'est effondré ou retourné à quelques kilomètres de la base. Je me baladais avec Luc et Pascal sur la banquise, pas très loin du lieu de l'évènement, pour profiter du beau temps. Je me suis approché d'un berg pour prendre une photo, quand j'ai senti bouger sous mes pieds. Je me suis reculé rapidement de la zone un peu fragile. Juste après nous avons entendu comme un bruit de vent alors qu'il n'y en avait pas et des petites plaques de glace contre le berg montaient et descendaient de 5 centimètres pendant quelques minutes. Puis tout s'est calmé. Nous avons continué la balade tranquillement sans rien remarquer d'inhabituel sinon de la glace fraîche sur les rochers sur les îles Currie, comme si l'eau de mer avait débordé et était montée plus haut que la banquise. On s'est dit que c’était sûrement les fortes marées de la pleine Lune.
Avant après. (L'arrière plan a changé progressivement en deux mois)
Une fois rentré à la base, tout le monde nous a demandé si nous n'avions pas eu trop peur, cette était plutôt incompréhensible au début... Ce n'est qu'à ce moment que l'on a su que le glacier avait bien bougé. De la base, mes co-hivernants ont pu voir un nuage de vapeur d'eau et entendre un fort bruit de vague sous la banquise pendant que nous ne ressentions quasiment rien en étant bien plus proche qu'eux. J'ai retrouvé une photo du mois d'avril pour comparer et on voit bien qu'il y a quelques tonnes qui ont bougé.

Et pour finir,  nous avons battu notre record de froid cet après-midi avec -29.2°c!




Coucher de soleil