lundi 30 mars 2020

Les "after-work" à DDU: tenue chaude éxigée

Cette semaine, quasiment tous les soirs après le travail, je suis allé regarder l'arrivée des manchots empereurs.Ils se déplacent en files de quelques dizaines d'individus depuis l'eau libre située à dix kilomètres. Il y a maintenant plus de mille individus qui commencent à former la colonie entre l'île des Pétrels et le glacier de l'Astrolabe, sur la banquise. Plusieurs milliers doivent encore arriver dans les prochains jours.

Mardi
 Donc à 17h30 à 19h, je chaussais mes skis pour un petit tour jusqu'à la piste du Lion,chaudement habillé et avec mon appareil photo. C'est un luxe d'avoir les skis dans l'atelier et de glisser trois minutes après la fin de journée, pour se détendre, bouger un peu ses fesses, profiter de la nature et de, il me semble, la seule colonie de manchots empereurs accessible au monde en hiver.
Mercredi
Les conditions météos très différentes d'un soir à l'autre m'ont permis de capter plusieurs ambiances, du coucher de soleil paisible (-17°c quand même) à la fin de chutes de neige sous un vent fort. Un soir au soleil, sans vent, il est possible d'écouter le silence entrecoupé des chants de manchots, ressemblants au bruit d'une voiture n'arrivant pas à démarrer! J'essaie de profiter au maximum des dernières soirées avant l'arrivée pressante de la nuit: le soleil sera sensé se lever demain à 7h15 et se coucher à 18h10 mais une petite tempête nous le cachera pour quelques jours...


Jeudi
Demain, je devais aller aider Susie à repérer, grâce à des antennes, les manchots arrivant qui avaient été transpondés les années précédentes pour qu'elle puisse les étudier tout l'hiver mais la mauvaise météo a annulé l'opération. Ce sera pour un autre jour. Mais force à elle, qui passe plusieurs heures par jour depuis une semaine à guetter ces oiseaux, pour parfois n'en repérer aucun équipé d'un transpondeur.


Vendredi


Samedi
Et pour finir sur un note rafraichissante, la TA 70 a connu son premier -20°c, avec -20.3°c pendant quelques minutes au petit matin. Cet évènement a été fêté comme il se doit par tout le monde. Merci à notre grand chef météo, Francois, pour la coupe de champagne!

samedi 21 mars 2020

Des phoques et de la neige



Samedi dernier,  avec Antoine, Malik et Luc, j’ai accompagné Alexis, biologiste, dans le but de transponder des phoques de Wedell.  Nous devions donc immobiliser ces grosses bêtes dans le but de leur implanter sous la peau une puce de reconnaissance unique, dans le même style que celle utilisées pour les animaux de compagnie. Avec ce moyen de reconnaissance, des comptages et des études sont faites chaque année pour mieux connaître cette espèce peu étudiée en Antarctique.

Nous sommes partis à cinq car ce n’est pas simple de capturer ces bébés de 350kg. Pour éviter d'attraper un individu déjà équipé, nous avons fait un test de lecture de transpondeur avant toute intervention. J’ai ensuite fait des photos des ventres de chaque phoque dans le but de pouvoir les reconnaitre juste grâce aux tâches sur leur pelage et d’arrêter les captures dans quelques années.
Avec le capteur de puce
 Après la séance shooting photos, la séance de sport a commencé. Nous devions faire rentrer le phoque dans un cerceau avec un cône en tissu, percé au bout pour pouvoir respirer, et comme il est peu coopératif et assez vif pour esquiver, cela peut prendre un peu de temps et beaucoup de tentative avant de toucher au but. 
Ils savent se défendre
Une fois la tête rentrée, très vite, il fallait tirer la capuche, souvent de toutes nos forces, pour le glisser jusqu’au fond sans abimer les deux nageoires latérales puis s’allonger sur la bête pour qu’elle ne bouge plus. Après cette opération, Alexis transpondait au niveau de la queue, mesurait la longueur de chaque individu (environ 2.20m) puis notait le sexe sur son calepin.  
Immobilisation
Puis transpondage
 Après tout cela, nous relâchions les phoques sans dommages. En presque quatre heures de temps, nous en avons contrôlé une quinzaine puis transpondé cinq, cela peut paraitre peu, mais entre le temps de transit et le temps de capture, cela nous a bien occupé l’après midi, et nous étions heureux de retrouver le canapé le soir.

Je n'ai pas eu le droit à ma puce

Et cet après-midi, j’ai enfin pu ressortir les skis ! Trois mois qu’ils me regardaient dans un coin de l’atelier. Il a bien neigé vendredi, avec du vent, ce qui a formé des grosses congères (jusqu’à deux mètres de hauteur devant une porte du séjour). Je suis sorti avec Alain et on est resté sur l’île des pétrels pour ne pas s’aventurer sur la banquise le lendemain d’un jour de neige, pour des raisons de sécurité.

Alain en plein effort
Je retrouve les bonnes sensations
On dirait les grands espaces mais on est resté sur 1 km²!

 On a fait presque le tour de l’île et on a trouvé quelques pentes skiables, cinq ou six virages telemark maximum mais sur une neige poudreuse de première qualité mais quelques cailloux, sous l’œil des manchots empereurs qui commencent à arriver. Mes skis avec semelle en écaille s’avèrent un choix judicieux pour cette succession de montée et de descentes courtes. Ça m’a fait du bien de me bouger autrement que dans la salle de sport, de s’aérer. Je vais sûrement refaire un tour demain !


Les premiers empereurs au coucher du soleil

jeudi 12 mars 2020

Un peu de travail

Cela fait longtemps que je ne vous ai pas présenté  ce que je fais au travail, parce que oui, ce ne sont pas les vacances!

Pendant le mois de janvier, avec les tempêtes et les quinze jours de neige, je suis plutôt resté au chaud dans mon atelier. J'ai eu pour mission de fabriquer douze tabourets de bar pour remplacer les existants qui étaient en mauvais état. Six tabourets iront au séjour et six autres au dortoir été. On en a quand même gardé huit au séjour pour l'hiver. Comme j'ai eu du temps pour les fabriquer, je me suis amusé à compliquer un peu le travail: j'ai choisi d'effiler les pieds (ils ne font pas la même section au sol qu'à l'assise) et de les incliner. Le tabourets sont plus jolis mais bien plus techniques à fabriquer. C'était le programme de ma dernière année de Brevet Professionnel, et je n'avais pas eu l'occasion de mettre ça en œuvre depuis.
Je me suis amusé à faire un collage de toutes les chutes pour réaliser l'assise. Au final, il y a 348 morceaux de bois pour l'ensemble des douze tabourets.


Autre difficulté, ils sont réalisés entièrement en bois de récupération. Le sapin vient de cadres de volets occultants, fabriqués en 2004 en Italie, qui devaient être installés à la station de Concordia. Pour une raison inconnue, ils n'ont pas convenu et ils ont donc fait un aller/retour entre DDU et Dôme C. Comme c'est un bois de bonne qualité, il a été conservé ici. Le bois rouge est aussi de la récupération: ce sont les rayonnages de l'ancienne bibliothèque. Vive le recyclage et le bois!


J'ai eu aussi à changer deux portes dans l'hôpital. Un nouveau lit médicalisé est arrivé l'année dernière et il ne passait pas les portes, des modifications provisoires ont été faites depuis, mais j'ai dû élargir tout cela de façon plus propre.
Petite difficulté: les cloisons sont en bois alvéolé mais elles sont remplies de cendre... C'est un peu poussiéreux quand il faut les couper, surtout à l'intérieur d'une salle de soin. Après le démontage, le montage et la peinture, c'était bien plus présentable.

Avant
Après
























Avant
Après






















Autre travail: j'ai supprimé une porte entre la pièce principale du séjour et le coin lecture. Il y avait deux portes, dont une inutilisée, car cette pièce devait être séparée en deux pour faire un fumoir intérieur. Le démontage de la porte a été facile, elle était juste vissée. Les panneaux cloison en Simonin (deux parements bois recouvrant un coeur en liège) étaient vissés également. C'est la première fois que je travaillais ce produit et  c'est un bon entraînement pour la suite de mon programme de travaux: toutes les cloisons du bureau technique/météo que nous avons commencé à rénover seront en Simonin.
Une fois que tout était bouché, j'ai mis deux couches de lasure (j'ai retrouvé le pot d'origine, pas si vieux). Il faudra attendre quelques années pour que la teinte s'uniformise... Le portrait encadré de Jules Dumont d'Urville a pu retrouver son clou et nous surveille toujours à chaque repas.



Magnifique raccord de teinte

Comme il n'y avait plus de plinthes en carrelage et que la carrelette a disparu, j'ai pris des carreaux de sol que j'ai recoupé avec une molette de vitrier: ça fonctionne. La Technologie Polaire Française est en marche!
Je dois maintenant refaire le meuble qui est derrière la porte, il est un peu trop massif et en mauvais état. De plus, maintenant qu'il n'y a plus la porte, on peut gagner de la place et du rangement, les étagères débordent de BD.

Le faux-plafond aux couleurs personnalisées (le vert est un reste de peinture!)
Entre temps, j'ai réparé un joint de porte de garage, une table, fabriqué une petite étagère, un faux plafond entre des IPN sur le palier de l'escalier du dortoir, j'ai commencé mon inventaire, je m'entraîne à souder... Et je prends des cours de mécanique avec Corentin, qui a beaucoup de travail avec des pannes en série sur plusieurs véhicules. Panne de pompe d'injection ou de boîte de vitesses, je suis au top.

mercredi 4 mars 2020

Déjà une semaine

Il y a 8 jours partaient les derniers campagnards d'été, cela me semble une éternité et si proche à la fois. Cela confirme la théorie du temps qui s'écoulerait différemment en France qu'à Dumont d'Urville.

La base avec la voie lactée et le lidar

Le lendemain du départ des estivants, nous avons tous mis en hivernage le dortoir été (coupure d'électricité; d'eau, de chauffage , rangement...) et la piste de décollage de l'hélicoptère (démontage des panneaux le protégeant du vent). Le soir nous avons tous fêté le début, tant attendu, de l'hivernage jusque tard dans la nuit. La véritable aventure commence. Ce n'est pas le froid, la glace ou ce que l'on voit sur les magazines, c'est réussir à s'entendre pendant huit mois avec 23 autres personnes, à ne pas se blesser et à mener à bien notre travail sans approvisionnement possible. Ce sont aussi des raisons pour lesquelles je suis venu ici et je suis sûr que ce sera un challenge très enrichissant.

Du côté travail, je suis maintenant le seul menuisier, je peux m'organiser comme je veux. Même si je suis toujours sous la supervision de "pépé" Alain, chef technique, dont on ne compte plus le nombre d'hivernage et qui connait la base comme sa poche. Nous finissons le travail une heure plus tôt le soir et nous ne travaillons plus le samedi après-midi, cela nous laisse donc plus de temps pour se reposer ou pour nos loisirs.
J'ai donc profité de mon temps libre pour me dégourdir les jambes et faire le tour de l'île. Ne vous inquiétez pas pour moi, avec une surface d'un kilomètre carré, je n'ai pas eu de courbatures le lendemain. Après avoir pris le soleil à l'abri du vent, je me suis dirigé vers l'abri côtier, vers la piste du Lion. J'ai eu la surprise de voir que 9 manchots empereurs étaient sur le reste de banquise. Certains de mes collègues étaient déjà au courant car ils étaient arrivés la veille. Comme on m'avait dit que les empereurs arrivaient dans le mois d'avril, j'étais très étonné. Mais apparemment, chaque année, il y a des petits groupes qui arrivent en avance et repartent faute de trouver des congénères.
Comme je savais qu'ils sont très curieux, je me suis allongés sur la glace. Ils sont venus jusqu'à trente centimètres de moi, tellement proche que je les entendais respirer. Nous n'avons pas le droit de les approcher mais eux peuvent venir nous voir s'ils veulent.

Le soir, après notre soirée Samedi Gras déguisée/karaoké, je me suis habillé chaudement pour aller chasser l'aurore australe et la voie lactée. J'ai eu la chance d'en voir une pendant peut-être une heure. Elle n'était pas très puissante et ressemblait plutôt à une lueur grisâtre à l'horizon contrairement aux photos qui embellissent souvent et révèlent les couleurs. Il faut que je m'entraîne et trouve les bons réglages, mais avec les bons conseils de Pépé, cela s'améliore. Il faut juste se motiver à passer du temps dehors avec le froid mordant. Cette nuit, il fait -17°c, ressenti -32°c avec le vent... Température la plus fraîche de l'année, pour le moment.
Ma première aurore australe

L'antenne satellite sous la voie lactée
Ce froid polaire annonce une autre bonne nouvelle: la mer est entrain de geler et de se transformer en banquise. Les premières plaques de glace sont entrain de se former et si les températures se maintiennent et que le vent ne forme pas de houle sur la mer, peut être que dans quelques semaines, nous pourrons nous balader un peu plus loin, comme au mois de décembre. Je suis plutôt impatient de pouvoir refaire de grandes marches ou du ski, car rester autant au même endroit n'est pas quelque chose dont j'ai l'habitude.



Début de l’embâcle