dimanche 23 février 2020

L'hiver est là

L'Astrolabe à quai avec la voie lactée
L'hiver frappe à notre porte avec l'arrivée de l'Astrolabe pour la dernière rotation de la saison. A son départ mardi matin, il emportera avec lui les derniers campagnards d'été et nous laissera à 24 pour huit mois, jusqu'à novembre. L'aventure démarrera réellement, sans ravitaillements ni évacuation possible. Il faudra composer avec un rythme surement différent de l'agitation de l'été.
La nuit est revenue, avec un ciel magnifique, des température jusqu'à -12°c, les poussins Adélie qui se jettent à l'eau et les premières aurores australes (que j'ai manquée pour le moment).
Le spectacle est en continu et toujours autant magnifique. Vivement la suite et l'inconnu!

samedi 22 février 2020

On démonte l'aéroport!

J’ai eu la chance ce mardi, avec Malik, gérant postal, d’accompagner Alain, notre technicien météo, pour démonter la station météo de la piste d’avion de la base, appelée D10. C’est l’aéroport international le plus austral de France : il accueille pendant l’été les vols depuis et vers les stations de Concordia (base franco-italienne) et Mario Zucchelli (base italienne).  La piste se trouve sur le continent, à une dizaine de kilomètres de DDU, au dessus de la base Prud’homme, à 300m d’altitude. Les installations se composent d’un petit conteneur accueillant un peu de matériel, d’un traîneau contenant des fûts de kérosène, d’une piste d’atterisage de neige damée et d’un mât démontable en fibre de verre de 10 mètres recevant l’anémomètre de la station météorologique. On est bien loin des installations de Roissy-Charles de Gaulle mais c’est suffisant pour accueillir un avion par semaine entre novembre et février. Le dernier vol étant arrivé il y a environ deux semaines et le dernier bateau devant partir mercredi prochain, il fallait profiter de la présence de l’hélicoptère pour démonter la station météo pour l’hiver, pour éviter qu’elle ne soit détruite par les tempêtes ou ensevelie sous la neige. Nous devrons la remonter fin octobre pour accueillir les avions de novembre prochain.
D10 International Airport
Cette station sert à mes collègues de Météo France à aider l’approche de l’avion et à prévoir la météo de ce site très proche de nous mais aux conditions de vent très différentes.
La base vue de D10

Et vue du ciel
Nous avions donc rendez-vous tous les trois sur « la DZ du haut », l’endroit où atterrit l’hélicoptère au cœur de la base. J’ai eu la chance d’être assis sur la place de devant pour le vol aller. J’étais vraiment content de quitter un peu l’île : la débâcle de la banquise nous bloque depuis presque deux mois. J’ai également pu mieux découvrir, grâce au point de vue différent,  les environs de la base dont le glacier l’Astrolabe situé juste derrière notre île.
L'équipe au travail
Après quelques minutes de vol, nous sommes accueillis à D10 par Tito, le responsable de la base Prud’homme. Il est arrivé avec sa dameuse Kassbohrer. Un de ses collègues, Nicolas, est venu avec un Challenger à grue, une sorte de tracteur sur chenille.
Le challenger
La dameuse
 Nous découvrons les lieux, complètement différents du bord de mer auquel nous sommes habitués : il fait bien plus froid, le vent glacial du sud (changement d’hémisphère, le froid vient du sud) et la vue sur du blanc à l’infini côté continent.
Je commence par faire quelques photos du lieu mais j’ai vite très froid aux doigts : il fait -7°c et avec le vent à 50km/h, le ressenti est de -17°c… Je me mets à l’abri dans le conteneur et j’aide Alain à démonter les câbles qui relient le panneau solaire et l’anémomètre. Puis j’attrape la pelle, et je me réchauffe facilement, jusqu’au point de transpirer, en attaquant le déneigement des points d’ancrage des haubans du mât. Il a neigé deux jours avant, et la station météo est installée depuis quatre mois : certains pieux sont accessibles sans outils et d’autres sont ensevelis sous un mètre de congères de neige et de glace. Une fois les câbles légèrement détendus, nous avons installé un hauban à la dameuse. Elle a reculée : le mât a doucement basculé sur l’axe de son socle pour que nous puissions le récupérer. J’étais chargé de le réceptionner pendant la descente, j’avais mis mon casque car il y avait des risques qu’il se démonte pendant la chute. Une fois au sol et sans dégâts, la grue du Challenger a pu arracher sans problèmes les ancrages du socle. On a fini de ranger le site, de boucher tous les trous du conteneur pour le protéger des tempêtes de neige. Tito, avec l’aide de  sa dameuse, a créé une butte de neige et a perché le « terminal international » pour que l’on puisse le retrouver ce printemps et tout réinstaller.

L’hélicoptère est venu nous chercher dix minutes après, j’en ai profité pour admirer encore une fois la beauté des paysages vu du ciel. Une fois sorti de l’hélicoptère à DDU, on a pu se rendre compte de la différence de température et de vent entre le continent et le bord de mer. Ce n’est pas pour rien que certains surnomment notre base « la riviera ».  Même si ces derniers jours, les températures oscillent entre -7°c et – 12°c, accompagnés de 40km/h de vent. L’hiver et l’hivernage arrivent très vite.

Retour en hélicoptère

mercredi 5 février 2020

Réparation de la Cabane Marret


J'ai eu la chance d'être affecté à la réparation de la structure de la Cabane Marret avec mon collègue estivant "Pabois", charpentier-couvreur.
Cette cabane est le tout premier bâtiment de la base Dumont d'Urville, datant de 1952. Elle a été construite au début pour un hivernage de quatre personnes dans le but d'étudier les manchots empereurs puis modifiée pour accueillir trois autres personnes, à cause de l'incendie de la base de Port-Martin, située à 62 kilomètres de DDU. Les sept courageux furent Marret, Rivollier, Duhamel, Prevost, Dovers, Lépineux et Vincent.
La Base vue du nord en mars 1952 (photo G. Lépineux)
La première partie de la cabane était en plutôt bon état, mais l'extension fabriquée avec les matériaux de récupération de la base Port-Martin a bien souffert des conditions météo. Cette construction est classée Sites et Monuments Historiques au Traité de l'Antarctique.

Comparaison 2019 deneigé / 2012 non deneigé,  à même époque
 Selon les années, une congère de plusieurs mètres de haut recouvre le bâtiment et le poids de la neige, la fonte et les engins de déneigements laissent des traces plus ou moins marquantes. Apparemment l'année 2012 a été fatale à une partie de la poutraison et l'accès à l'intérieur de la cabane a été interdit par raison de sécurité. Le toit était étayé depuis et tout s’englaçait avec les cycles de gel/dégel. Certaines pièces ont également dû être changées au début des années 2010.
2012 avant une première réparation en 2014
2019 après réparation
Cette année, sous l'impulsion de Catherine et Jérôme (architectes en campagne d'été avec pour mission d'imaginer l'avenir de la base), des travaux ont été engagés en accord avec les TAAF et l'IPEV pour sauvegarder l'existant car je pense qu'une année de plus dans cet état aurait été fatal. Le déneigement extérieur a été fait dans le mois de décembre, à la pelleteuse et au marteau piqueur.
Début des travaux
Démontage
Nous avons démonté un quart de la toiture, remplacé plusieurs chevrons cassés, doublé d'autres, moisé les pannes ("renforcé les poutres" pour les novices) qui étaient étayées et réparé un angle de la cabane qui avait dû se prendre un coup d'engin. Nous voulions remplacer une autre partie du toit (la plus ancienne) mais la composition de celui ci nous a arrêté. La partie initiale de la construction est composée de panneaux sandwich (murs et toit) cloués sur une ossature. Ces panneaux étaient avant-gardistes pour l'époque, c'est une couche de laine de bois emprisonnée entre deux panneaux de contreplaqué, d'une épaisseur totale de 40mm. Le même système est utilisé de nos jours à la base de Concordia, mais avec des murs de 20 cm d'épaisseur environ. Comme nous n'avions pas la possibilité d'en remplacer une grande surface, nous n'avons remplacé que la partie de la toiture fabriquée avec les restes de l'incendie, composée de panneaux de 10mm en contreplaqué et qui était en très mauvais état. Nous les avons changé par des panneaux de 18mm d'épaisseur pour plus de solidité (et que nous n'avions que cette taille de disponible!)
Déglacage à la pioche par Catherine
Equipe de choc avec Pabois
Catherine, Jérôme et Michel (météo) ont occupé leur dimanche après-midi ont fait un super boulot en déglaçant et nettoyant l'intérieur de la cabane pendant que nous profitions du soleil pour finir le remplacement de la couverture. La journée s'est finie sur le faitage, autour d'un verre, pour fêter la bonne avancée des travaux.
Fin de journée
Il faudra maintenant réfléchir à l'avenir de la cabane et des travaux futurs mais j'espère que nous pourrons organiser quelques soirées à l'intérieur maintenant que le ciel ne risque plus de nous tomber sur la tête!
 Nous avons bouché les derniers trous aujourd'hui, juste à temps pour que Pabois puisse aller travailler en tant que docker sur l'Astrolabe, qui est arrivé cet après-midi, et reparte sur la rotation 3, dont le départ est annoncé dimanche. J'espère le revoir à la prochaine campagne d'été!


Fin des travaux