samedi 30 mai 2020

Les travaux avancent, l'hiver également

La première tranche de travaux du BT est enfin terminée! Et une bonne nouvelle en annonce une autre, nous avons réussi à déménager nos amis de la météo, le bureau d'Alain, notre chef technique, ainsi que les archives et divers stockages dans les deux pièces toutes neuves. Tout cela tient dans 50 m² et c'est un grand avantage pour la suite des travaux puisque le reste du bâtiment est vide. On va éviter une troisième tranche de travaux, comme je l'avais annoncé il y a quelques semaines, et gagner un temps précieux pour travailler plus sereinement jusqu'à la fin de l'hiver.

Avant/Après déménagement de l'atelier météo
Ces derniers temps je me suis donc attelé à terminer les deux premiers bureaux. J'ai posé le sol vinyle, avec l'aide de Charlène. J'ai bien galéré au début, les languettes d'emboîtement cassaient très facilement, ce qui m'a fait lâcher quelques jurons... Cela a étonné mes cohivernants, moi qui suis de nature calme, et les a fait parler au repas de midi!
Meuble de rangement des classeurs, avec 3 portes basses à venir
Bureau météo après déménagement
J'ai enchaîné ensuite avec toutes les plinthes, baguettes et autres caches misères et la pose d'une porte provisoire pour isoler les bureaux du bruit et de la poussière provenant de la suite des travaux.
Je continue à fabriquer des meubles de rangement, ici un placard de rangement des classeurs/archives, tout en économisant au maximum le vernis et le bois. Les stocks diminuent et le ravitaillement n'est pas prêt d'arriver. Je suis maintenant entrain de réaliser un bureau et un meuble pour les imprimantes/serveurs du bureau technique.
Je dois attendre que Alain et Michel, son acolyte météorologue bricoleur, finissent de démonter les cloisons, poncent les murs et plafond et peignent avant de recommencer le même programme qu'en avril, c'est à dire plancher fermacell puis cloisons en bois. Je ne m'ennuierai pas pendant ce temps, j'ai d'autres meubles à remplacer au séjour, le plafond de l'hôpital à isoler phoniquement, une cloison de la cuisine à habiller. Beau programme, je peux m'occuper encore longtemps.
C'est reparti pour la démolition/ponçage/peinture
Les tempêtes s'enchaînent ces jours presque aussi vite que les anniversaires en cette fin mai puisque Michel (126 kmh de moyenne sur 10 min/rafale 182kmh) et Valérian (122kmh/169kmh) ont été nos deux plus gros coups de vent depuis que nous sommes ici tandis que nous avons fêté Francois, Susie et Michel dernièrement. Le vent accompagné de fortes chutes de neige renforcent les immenses congères que nous nous efforçons de ratiboiser pour certaines (devant une entrée du séjour ou devant le dortoir) ou laisser vivre pour d'autres. La neige provoque un blizzard réduisant la visibilité à quelques mètres, il faut bien réfléchir aux trajets entre les bâtiments, pour ne pas se retrouver sans repères.
Les véhicules couchant dehors sont soumis à rude épreuve dans ces moments là, le morooka (transporteur chenillé) était entouré de 80 cm de neige et le tracteur chasse neige avait le moteur rempli de neige. J'ai aidé Corentin, mon voisin mécano à dégager un peu tout ça tandis qu'il m'aide occasionnellement à transporter des panneaux de bois ou à monter des meubles.
Les congères qu'on laisse monter
Et les engins enneigés, avec de gros tas de neige pour accéder à mon atelier

Je suis allé faire le tour de notre île à ski jeudi après le déjeuner, pour profiter du peu de soleil que nous avons. Il y avait dix centimètres de neige sur la banquise. J'ai refait le même circuit hier après midi, 4 kilomètres, et la tempête Valérian avait tout raboté, il ne restait quasiment que la glace vive! Mais il y avait un semblant de soleil qui se couchait, à 14h20...

 Et dernière bonne nouvelle, mes entraînements salle de sport/films paient, j'ai perdu deux kilos en un mois!

mardi 26 mai 2020

Quelques courtes vidéos

Bientôt six mois jour pour jour que je suis parti de France pour venir ici, cela me semble une éternité et très proche à la fois. Hier, j'ai compilé quelques courtes vidéos que je voudrais vous montrer, elles résument quelques moments plus ou moins importants ou impressionnants qui m'ont marqué en une demi année en Antarctique.

Les deux premières résument la traversée en bateau mouvementée et pas vraiment agréable au début puis magnifique et calme 24 heures avant l'arrivée, dès l'entrée dans le pack avec le soleil, la mer d'huile, la glace et les animaux.

                                             
Et voici deux exemples de nos deux plus fortes tempêtes, Michel en haut (mi-mai) et Aurore (fin janvier) en bas. Jusqu’à 185 km/h en rafales et 125km/h en moyenne sur 10 minutes. De quoi faire trembler les bâtiments et créer des énormes congères. Les fortes chutes de neige combinées avec la neige soufflée du sol réduisent très fortement la visibilité. Je me suis presque égaré entre la salle de sport et la passerelle du séjour. J'avais 10 mètres à parcourir et il est très facile de se désorienter, tout devient blanc.

 Et voici deux vidéos des espèces emblématiques d'ici, les manchots Adélie et les manchots empereurs. Les adélies nichent vraiment partout jusque sous les bâtiments, très bruyants comme vous pouvez l'entendre mais aussi très odorants... Ici c'est une petite partie de la colonie. Il y en avait des dizaines de milliers dans l'archipel, jusqu'à leur départ en mars au moment de l'arrivée des premiers empereurs.
Les empereurs sont moins nombreux mais n'hésitent pas à se battre pour se reproduire comme l'on peut voir. Ils sont actuellement en pleine ponte, affrontant les tempêtes ou -25°c, ils sont costauds.

Excusez la mise en page et la qualité des vidéos, ce n'est pas commode avec 256kbps d'internet à se partager.

jeudi 14 mai 2020

Nos lieux de vie

Ayant peu de grandes nouvelles à vous annoncer, je vais en profiter pour vous présenter nos lieux de vie. En dehors de nos ateliers/bureaux/chantiers, nous passons souvent notre temps soit au "Séjour" lieu de repas et salle commune, soit au "42", le dortoir hiver.

Le séjour vu de l'extérieur

Le Séjour est donc lieu de nos repas, apéros, soirée diverses et variées (dansantes, au bar, cinéma, jeux de société). Il y a un billard, un babyfoot, un jeu de fléchettes pour se défier entre hivernants, une salle calme avec une collection conséquente de bandes dessinées.
Salle de jeux
La salle de lecture
Nous avons un vidéo projecteur pour regarder un film (traditionnellement le mercredi soir) bien assis sur les canapés. Tout le monde a proposé un ou plusieurs films. La sélection est assez hétéroclite, nous avons pu voir "Un indien dans la ville", "La Momie", "Fight Club" ou "Le dîner de cons"...


Notre bar est peut être l'un des derniers ouvert en France, avec ceux de nos collègues des îles subantarctiques. Coucou Kerguelen, Crozet et Amsterdam!

Le bar
Il y a deux sas d'accès au bâtiment, mais pendant les tempêtes, nous condamnons l'entrée principale car la porte n'est plus trop étanche. De plus, elle est située au nord-ouest, du côté opposé au vent qui vient en grande majorité du sud-est. Il y a une congère qui se forme juste devant la porte et nous ne voulons pas faire entrer de neige dans le séjour, ni abîmer la porte en remplissant les joints de glace. Si on peut éviter de me donner du travail supplémentaire, c'est pas mal!
Au séjour, nous trouvons aussi les deux machines à laver et les deux sèche-linges. Le sèche linge est plutôt indispensable ici, il n'est pas vraiment possible de laisser sécher le linge dans le jardin, au soleil. Je fais parfois sécher mes vêtements fragiles au chaud, à côté des groupes électrogènes mais ce n'est pas pratique.
Le sas avec la collection de charentaises
La laverie

La cuisine et la plonge sont intégrées au Séjour mais restent tout de même un lieu de travail.
La disposition des tables de repas change au gré des gens en service base, chacun ayant sa petite idée ou l'envie de changer un peu la routine.

Le 42 à droite, le labo Géophy à gauche
Le 42, notre dortoir, est il me semble, le seul bâtiment de la base à avoir deux étages. Au rez de chaussée, sur la gauche en entrant, il y a l’hôpital et la chambre de Sarah, notre médecin. Sur la droite, il y a le bureau de Régis, chef de district, des sanitaires et dix chambres.
A l'étage, on trouve vingt-deux chambres et des sanitaires.
Vue sur neige
Je suis dans la 27, à l'étage avec vue sur mer (des fois). Le triple vitrage est abîmé et de la condensation s'est formée entre des verres, donc je ne vois pas grand chose... Il est difficile de la changer, il faudrait opérer par l'extérieur et monter un échafaudage entre la glace et la falaise assez proche. Il arrive aussi que de la neige se colle sur la vitre et me bouche la vue.


Ma chambre presque rangée (oui maman...)
  Ma chambre mesure environ 8 m², avec deux lits superposés (replié pour le moment), je suis seul dedans. En campagne d'été "normale", il est courant de partager sa chambre. Mais je crois que je ne connaîtrai pas de campagne normale entre la panne de l'Astrolabe et le Covid.
Certaines chambres sont plus grandes que d'autres et deux ont les sanitaires privatifs.
Les meubles sont en bon état, l'intérieur a été refait récemment. Il y a deux armoires de rangement, un bureau, l'accès au réseau intranet.
Le bâtiment est assez bruyant à cause du système de construction, c'est solide mais la structure en acier et panneau sandwich fibre de verre ne contribuent pas du tout à l'isolation phonique. On entendait bien les manchots Adélie ou l'hélicoptère cet été par exemple. Je suis bien content avec la mienne, je suis loin de l'entrée et des salles de bain, presque en bout de couloir, et du côté opposé au vent, l'environnement est calme en hiver.

Les tempêtes et forts coup de vent (au delà de 120km/h je dirai) font trembler le 42 (et toutes les autres constructions). J'aime bien, ça me berce dans mes nuits et étrangement, je crois que c’est à ce moment que je dors le mieux. Je me dis qu'il y a d'autres tempêtes qui sont passées par là et qu'il n'y a pas eu de dégâts.



A 7h, pour aller au petit dèj, entre le séjour et le 42
La congère devant le 42
Les matins de tempêtes ou de neige soufflée, il faut du courage pour aller au petit déjeuner à 7 heures. Il faut enfiler les bottes, la veste, les gants, le bonnet, le cache nez et le masque transparent pour ne laisser aucun bout de peau apparent. Les 40 mètres jusqu'à l'entrée du séjour peuvent être sportifs quand il faut grimper la congère à la sortie du dortoir. On arrive réveillé au petit-déjeuner! Il y a de grands projecteurs sur le séjour que l'on allume les jours de blizzard pour réussir à voir un peu loin.

Avec plus d'une semaine sans voir le soleil, des journées courtes, du vent fort et  de la neige, l'hiver est là. Pour l'instant, le moral est bon, je me dope aux endorphines en faisant pas mal de vélo d'appartement tout en regardant des films. Plusieurs avantages: j'essaie de faire fondre les kilos en trop (trop de desserts...), je pense que dors mieux en étant plus fatigué et je mets à niveau ma culture cinématographique plutôt déficiente.

mardi 5 mai 2020

Encore du travail et de la promenade...

Le mois d'avril a été bien rempli, la première tranche de travaux de rénovation du Bureau Technique m'a bien occupé. La pose de 90 m² de plancher, de 26 mètres linéaires de cloison en sapin/liège, d'une porte coulissante et de huit rideaux occultants de fenêtre n'ont pas été de tout repos. Il me reste les portes de communication et le parquet à poser, mais je dois attendre que Cédric et Valérian, les électriciens aient fini leur installation. L'armoire électrique sera changée cette nuit.
La bande des électros


Cloisons, porte coulissante, rideaux et plancher, le compte est bon
En attendant j'ai commencé à fabriquer des meubles de rangement définitifs qui permettront également d'aider au déménagement de tous les dossiers et archives qui sont actuellement stockés dans une autre pièce du bâtiment. Nous n'avons quasiment pas de place supplémentaires sur la base pour l'utiliser en tampon le temps de la rénovation, ce qui nous oblige à diviser les travaux en trois phases et attendre la fin de chaque avant de commencer la suivante. Il y aura sûrement de quoi s'occuper jusqu'à la fin de l'hivernage.

Comme j'avais bien travaillé, je me suis permis de me prendre un jour de repos le 30 avril. Je suis allé aider Charlène, chimiste glaciologue, en compagnie d'Alain, d'Antoine, de Luc, de Pascal et de Valentin. Nous sommes allé autour de la base Prud'homme pour ce qui est appelé ici "la manip' H". Le but est de mesurer la hauteur et l'inclinaison d'une centaine de piquets en bois ou en plastique, plantés dans la glace vive, avec une forme de H vu du ciel. Rien de dangereux (crevasses, fortes pentes) tant que l'on porte des micros crampons aux pieds.
Mesure des piquets sur la glace vive

Mesure des piquets
Mais avant toute chose, il a fallu marcher cinq kilomètres pour arriver à Prud'homme, au lever du jour et sans vent, on ne va pas se plaindre.
Armés d'un mètre à ruban nous nous sommes divisés en deux groupes, ceux qui connaissaient la procédure et les novices, dont je faisais partie.
Le but de ces mesures mensuelles, est de connaître la quantité de neige accumulée et d'étudier le mouvement de la glace au fil des années. Il serait peut être encore plus parlant d'aller sur le glacier l'Astrolabe, mais pour des raisons évidentes de sécurité, l'accès est interdit en hiver. Il n'est étudié qu'en été par des scientifiques formés aux techniques d'alpinisme et aidés par l'hélicoptère.
Pique-nique (photo Valentin Depoisier)

 A midi nous nous sommes "réfugiés" dans la salle à manger de la base Prud'homme pour manger un bout. Mais je ne suis pas sûr que c'était une excellente idée: le chauffage est coupé depuis plusieurs mois, je pense qu'il faisait plus froid à l'intérieur qu'à l'extérieur, -17°c. Mon sandwich avait gelé au fond du sac, la prochaine fois je le garderai dans la veste. Après ce repas rafraîchissant (j'avais franchement froid aux pieds et aux mains), on s'est attelé au déneigement de la chaudière pour se réchauffer un peu. Même si elle est situé à l'intérieur, la neige soufflée par les tempêtes à travers les aérations l'a recouverte complètement Pascal voulait récupérer le brûleur pour ne pas qu'il s’abîme. On a chargé la pièce dans la pulka pour révision et stockage en attendant le remontage en fin d'hivernage.
"Doit faire chaud hein?" comme on dit en Antarctique


Heureusement, le chemin du retour dans l'après midi m'a permis de bien me réchauffer. Même en étant bien habillé, il ne faut pas rester sans bouger.
Fin de manip' (photo Valentin Depoisier)

J'ai réussi à récupérer une combinaison intégrale "Concordia", d'occasion, adaptée aux très grands froids que je mets pour aller prendre des photos d'aurores australes et de la Voie Lactée, comme ce matin, aux alentours de 5h, -23°c nouveau record de 2020. J'arrive à tenir 1h30 dehors en statique sans trop de vent avant que mes pieds et mes mains ne me fassent trop mal, même avec des sous gants et des moufles, deux paires de chaussettes.
Voie Lactée et petite aurore ce matin
Je n'avais pas vu d'aurores depuis plus d'un mois, entre la mauvaise météo, la flemme de se réveiller en pleine nuit et l'absence de phénomène certaines fois. Les nuits plus longues vont permettre de profiter plus facilement sans se lever trop tôt.