mercredi 10 juin 2020

On fait les poubelles

Avec le début du mois de juin franchement ensoleillé, nous avons eu l'occasion de transférer tous les déchets que nous stockions dans nos ateliers, chantiers et hangars pour les emmener dans les conteneurs de la piste du lion.
Le tri des déchets est ici plus poussé qu'en France. Nous devons distinguer toutes les matières qui seront compactées/broyées pour être expédiées en France ou en Australie. Chacun est responsable du tri et doit nettoyer les canettes, pots de yaourt, bouteilles qu'il jette dans les bacs pour ne pas que les conteneurs sentent trop puisque les déchets seront traités dans plusieurs années.
Nous avons:
-du plastique, qui est compacté dans des cartons par Alain puis expédié en France
-du composite (assemblage de plusieurs matières indissociables), qui est stocké dans des fûts usagés du kérosène d'hélicoptère et qui fini également en France
-le papier-carton-bois, qui est brûlé un jour sur deux dans l'incinérateur,
-l'aluminium, le verre, le PET et l'acier alimentaire sont broyés/compactés pour être expédié en Australie. Ces déchets ont de la valeur.
-les huiles de cuisine et les hydrocarbures seront retraités en France,
-l'acier industriel finira au ferrailleur en France,
-les déchets alimentaires sont broyés et envoyés par les conduites d'évacuation dans la mer
-et d'autres choses sont triés plus spécifiquement (médical, chimique...)

Le conteneur acier
En étant 24 sur la base, cela fait une jolie quantité de déchets, venant principalement, comme en France, de la cuisine et des chantiers/ateliers. Les lieux de stockage débordent vite, c'est pour cela que nous organisons un transfert de tout cela tous les deux-trois mois.
Nous avons profité des allers/retours pour évacuer les vieux panneaux de cloisons du BT et pour ramener les dalles de sol pour continuer les travaux.
Heureusement que nous avons l'aide de tout le monde et les véhicules à chenille pour le transport même si le trajet était assez long: des antennes sont plantées dans le sol pour compter les manchots empereurs. Pour les contourner, nous sommes obligés de faire un détour. Au total, il faut une heure pour un aller/retour et décharger. Avec de la lumière du jour entre 10h30 et 14h30, il a fallu optimiser les horaires et les chargements.
Optimisation
Corentin conduisait le Morooka, le plus gros véhicule, lent et avec le poste de conduite à l'extérieur. Je conduisais le Kubota, plus petit, sans chauffage mais avec au moins une cabine autour de moi. Avec -24°c, j'ai mis les bottes fourrées, les moufles et des chaufferettes à l'intérieur. Il fallait bien tout cela.
Avant de décharger les véhicules, il a fallu ouvrir un conteneur enneigé pour récupérer des fûts de kérosène pour le composite. Bien sûr, ils étaient stockés où la congère était la plus haute. Deux mètres cubes de neige à déblayer à la pelle. Le temps que l'on arrive, Alain (60 ans passés...)avait quasiment tout enlevé. J'ai pris le relais sur la fin et je n'avais plus froid! J'espère avoir encore une telle forme à son âge.
Sous deux mètres de neige
Ensuite pendant deux jours, nous avons enchaîné les tours pour vider les poubelles de tout le monde. Quand je retournais à l'atelier en fin de journée, j'avais du mal à me remettre au travail, le grand froid, ça calme.
Voilà notre vie de gérant de déchetterie antarctique!

Dans un autre registre, fait assez rare, dimanche dernier un gros morceau d'iceberg/glacier s'est effondré ou retourné à quelques kilomètres de la base. Je me baladais avec Luc et Pascal sur la banquise, pas très loin du lieu de l'évènement, pour profiter du beau temps. Je me suis approché d'un berg pour prendre une photo, quand j'ai senti bouger sous mes pieds. Je me suis reculé rapidement de la zone un peu fragile. Juste après nous avons entendu comme un bruit de vent alors qu'il n'y en avait pas et des petites plaques de glace contre le berg montaient et descendaient de 5 centimètres pendant quelques minutes. Puis tout s'est calmé. Nous avons continué la balade tranquillement sans rien remarquer d'inhabituel sinon de la glace fraîche sur les rochers sur les îles Currie, comme si l'eau de mer avait débordé et était montée plus haut que la banquise. On s'est dit que c’était sûrement les fortes marées de la pleine Lune.
Avant après. (L'arrière plan a changé progressivement en deux mois)
Une fois rentré à la base, tout le monde nous a demandé si nous n'avions pas eu trop peur, cette était plutôt incompréhensible au début... Ce n'est qu'à ce moment que l'on a su que le glacier avait bien bougé. De la base, mes co-hivernants ont pu voir un nuage de vapeur d'eau et entendre un fort bruit de vague sous la banquise pendant que nous ne ressentions quasiment rien en étant bien plus proche qu'eux. J'ai retrouvé une photo du mois d'avril pour comparer et on voit bien qu'il y a quelques tonnes qui ont bougé.

Et pour finir,  nous avons battu notre record de froid cet après-midi avec -29.2°c!




Coucher de soleil






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