6 Décembre. Voilà déjà un an que je suis
arrivé ici, en Antarctique. L’heure n’est pas encore au bilan puisqu’il me
reste une dizaine de jours de présence sur base avant de reprendre le
bateau. L’Astrolabe est parti vendredi
d’Hobart, arrivera mercredi ou jeudi, pour rester une semaine à quai, avant de
me ramener à la « vie normale », en compagnie de six de mes
co-hivernants et des hivernants de Concordia qui arrivent dans les prochains
jours en avion.
Je ne suis pas mécontent de partir. Depuis
le départ d’une partie de la TA70 et l’arrivée de la TA71, je me sens moins à
ma place ici. Je suis moins motivé par les rencontres, les discussions mais
j’en profite toujours pour admirer les paysages qui restent incroyables comme
au premier jour.
Côté travail, je ne m’ennuie pas du tout.
Je travaille maintenant à la rénovation du « hangar bleu ». Nous refaisons le bardage et la couverture
de cet atelier/stockage pour les véhicules.
Les tôles sont abîmées par les engins de déneigement et les conditions
climatiques. Il faudra d’ailleurs lui trouver un nouveau nom, puisque sa
couleur va passer de bleu à gris.

Je passe donc mes journées à travailler
avec une disqueuse, un marteau piqueur ou à brasser de la ferraille. Le travail
est un peu moins fin que la fabrication de meubles… Je ne ferai pas ça toute ma
vie mais l’équipe est bonne. Je serai sur ce chantier jusqu’à la fin de mon
séjour.
C’est bien sûr un travail en extérieur,
donc exposé aux conditions climatiques. Même si je me suis bien endurci pendant
cette année, la première semaine de travaux à travailler sur un toit avec 60
km/h de vent et des températures légèrement négatives n’était pas très
agréable. Heureusement, le soleil et la chaleur sont revenus. Mais maintenant,
avec les températures positives, nous pataugeons dans un mélange de fiente de
manchot et de neige fondue. Je vous
épargne l’odeur.

Le lendemain du départ du bateau, juste
après la débâcle, j’ai pu également voler en hélicoptère pendant 30 minutes
pour aider Alexis et Camille, du programme 109. Ils devaient effectuer un
comptage des manchot Adélie sur tout l’archipel. Mais les îles Fram, Ifo,
Hélène, Pasteur et Curie sont maintenant les pieds dans l’eau. Ils ont donc
opter pour un comptage photographique. Je notais les séries de photos entre
chaque île pour ne pas se perdre dans les fichiers. J’ai pu donc en profiter
pour admirer les plaques de banquise qui partaient au large, les îles sur
lesquelles nous marchions quelques semaines auparavant, les couleurs incroyables de l’eau…


J’ai aussi eu la chance d’aider les
ornithologues pour le transpondage de poussins manchots empereurs. Leur
missions sur la semaine était d’en marquer trois cent. Nous en avons fait
soixante en une journée. Le but était de les mesurer, peser, marquer avec une puce,
effectuer une prise de sang avant qu’ils ne partent en mer. c’était incroyable
de pouvoir enfin les porter et les toucher après un an à les voir de près.
Allongés sur nous le temps des mesures, on pouvaient sentir leur odeur de
poissons et ressentir leur force et leur plumage dense.
C’était assez physique, puisqu’ils pèsent
entre quinze et vingt kilos, et que surtout ils donnent de violents coups
d’ailerons. Le port du masque de ski était vivement recommandé, pour se
protéger. Je me suis pris plusieurs coups dans le nez, ce n’était pas très
agréable. Ainsi qu’une griffure sur le bras, ce sera ma blessure de héros
polaire.
Nous pensions fort à nous co-hivernants
partis sur R0 qui n’ont pas pu participer à cette manip, avec leur départ rapide, ils n’ont pas pu en
profiter.