dimanche 26 avril 2020

Sortie au Rocher de Débarquement

A l'annonce d'un dimanche ensoleillé et sans vent, nous nous sommes dit que ce serait une bonne idée d'aller jusqu'au Rocher du Débarquement. C'est l'île la plus septentrional de l'archipel, et c'est donc ici que Dumont d'Urville et son équipage ont débarqué le 21 janvier 1840 et planté le drapeau français sur l'Antarctique.

Départ

Notre promenade, légèrement moins périlleuse que ces pionniers, nous a occupé la journée, le temps de parcourir les 18 kilomètres et de grimper sur les différentes îles.
Il y avait un peu de neige sur la banquise, jusqu'à 20cm par endroits, c'est pour cela que j'ai pris mes skis. S'il n'y avait eu que de la glace, les mini crampons sous les chaussures auraient été plus pratique. Plusieurs endroits sur le chemin n'avaient pas encore été sondées donc nous avons embarqué la traditionnelle perceuse pour mesurer l'épaisseur de la banquise. Ajouté à nos sacs de vêtements de rechange et aux piques-niques, cela commence à peser, c'est pour cela que nous avons pris la pulka, un traineau que l'on tire grâce à un harnais. Je me suis proposé de faire le chien de traineau quasiment tout le long de la sortie, pour me ralentir. Sinon j'allais trop vite à ski comparé à mes coéquipiers qui étaient en raquettes ou à ski.

L'immensité de la banquise

Avec Malik

Sur l'île Pasteur
Départ 8 h du matin, juste au soleil levant avec Malik, Cédric et Alain. Personne d'autre n'était disponible ou motivé pour cette longue marche. Nous avons navigué d'îles en îles et long du glacier l'Astrolabe: la Dent, les îles Curies, l'île Pasteur, Rocher du Débarquement puis retour en ligne droite à la base. Nous en avons profité pour escalader quelques rochers, par exemple au sommet de Pasteur, culminant à 22 mètres d'altitude ou près de la plaque commémorative en l'honneur de Dumont d'Urville. C'était parfois un peu aérien, surtout avec mes chaussures de ski et de la neige dans les trous, mais tout s'est bien passé. Vu d'en haut, nous avons pu voir une nouvelle partie du continent cachée depuis la base et l'immensité de la banquise tout autour de nous. On aurait envie d'aller toujours voir ce qu'il y a près de l'iceberg suivant, ce qui se cache derrière une autre île... Je m'imaginais un peu explorateur alors que nous n'étions qu'à sept kilomètres de la base.


Plaque sur le Rocher du Débarquement
Après un sandwich congelé, il a fallu rentrer. C'était simple, on voyait la base de loin, il n'y avait qu'à suivre le cap. Mais parcourir sept kilomètres en ligne droite, dans la neige avec la pulka, ça peut vite décourager: j'avais l'impression de marcher sur un tapis roulant, avec le décor qui ne bouge pas autour. De plus, j'ai les jambes qui commençait à fatiguer. Après cinq mois sans véritable effort longue durée cela se comprend mais j'ai apprécié, ça me rappelai les même sensation qu'après une longue sortie à vélo.
Retour en fin de journée, juste à temps pour profiter du goûter hebdomadaire du dimanche préparé par Aurore et pour se reposer sur le canapé! Nous avons beaucoup de chance cette année avec la banquise, à la même époque l'an dernier, ils pouvaient tout juste traverser pour aller à la base Prud'homme, chose que nous avons pu faire il y a plus d'un mois. (photos de la sortie: Alain Del)






Notre trajet (en rouge)


Et cet après-midi, après que la tempête Sarah soit calmée, je me suis fait un énième tour de l'île des Pétrels. J'en ai profité pour photographier quelques manchots. Je me suis allongé au sol sans les déranger et ils ont continué à déambuler en passant quelques fois à cinq mètres de moi, sans se soucier de l'intrus que j'étais.
En remontant sur la base, j'ai pu profité d'un magnifique coucher de soleil, entre nuages, icebergs et neige soufflée depuis le continent. Avec les jours se raccourcissant très vite et le soleil restant bas sur l'horizon, les lumières sont magnifiques!
Baston de manchots





vendredi 17 avril 2020

Les "corvées"

Nous passons souvent du bon temps sur notre base mais comme nous vivons en communauté, nous avons quand même quelques obligations en dehors de notre travail. Chaque mois, Régis, notre chef de district publie un tableau attribuant certaines tâches à effectuer: service base, quart de jour et quart de nuit.

La plonge
Le service base concerne tout le monde sauf François, cuisinier. Tous les jours, en équipe de trois pendant l'été et de deux pendant l'hiver, nous sommes assignés à la vaisselle, de l'aide à la cuisine, du service des repas et du nettoyage des locaux communs pour la journée. Cela remplace notre journée de travail et revenait toutes les trois semaines en été et tous les 10 jours environ en hiver.
Le séjour
Le programme est aménagé selon les jours de la semaine: nettoyage de la salle de sport le dimanche, des frigos un autre jour, des placards un autre... La journée démarre à 8h30, avec la vaisselle du petit déjeuner, le transfert des poubelles, le nettoyage du sol et des sanitaires du Séjour,  lieu de vie commun, un peu d'aide à la cuisine et mise en place de la table. Le repas, le service et la vaisselle du déjeuner nous occupe jusqu'à 13h30. Quartier libre jusqu'à 16h (pour ne pas réveiller ceux qui se reposent plus tôt). C'est le moment de profiter d'une petite balade ou d'une sieste suivant l'humeur. Puis viens le moment d'attaquer le ménage de notre dortoir hiver, le "42": nettoyage des sols et des sanitaires. En se débrouillant bien, nous avons encore deux heures de pause jusqu'à la mise en place de la table puis le repas de 19h15 et pour finir la vaisselle et le nettoyage de la plonge. Ce n'est pas une journée de tous repos...

La cuisine
Le personnel technique hivernant, dont je fais partie, est également assigné à la surveillance de la centrale électrique, jour et nuit, que nous appelons justement quart de jour et quart de nuit. Ces quarts consistent à relayer les deux personnes qui travaillent à la centrale en dehors des heures de travail. Nous sommes 9 à avoir cette tâche donc cela reviens tous les 9 jours. Un jour nous sommes quarts de jour et le lendemain, quart de nuit. Nous devons être présent soit à la centrale, et éventuellement au séjour, où les alarmes sonnent également. En cas de problème, nous prévenons la personne concernée (plombier, électrotechnicien...).



Les groupes électrogènes

Le quart de jour se passe de 6h30 à 20h00 et commence par un relevé des compteurs d'eau de tous les bâtiments reliés au réseau, dans le but de détecter d'éventuelles fuites et de surveilles les consommations. A 8h, nous devons faire un relevé des pressions et des températures de tous les fluides de la centrale et le rentrer dans la tablette. Ce relevé est effectué dix fois par jour. En plus de cette mesure, seulement à cette heure, nous relevons les compteurs de production d'électricité, d'eau, les niveaux de gasoil et le nombre d'heures de fonctionnement de la chaudière et des groupes électrogènes. Ensuite nous partons travailler. A 13h00, nouvelle mesure puis retour au travail. En fin de journée, on remplace Pascal et Pol, l'équipe de la centrale, jusqu'à 20h. Quand on a de la "chance", on est quart de jour le dimanche et là, c'est le drame: adieu le jour de repos, la grasse matinée, la balade au soleil...

La production d'eau
Le quart de nuit se passe de 20h à 6h30. Le rôle est le même que le jour: surveiller la centrale électrique avec quelques responsabilités en plus. Il y a un relevé des compteurs toutes les deux heures. Nous répondons également au 18, le téléphone pompier pour la nuit. Et il faut préparer le petit déjeuner pour les plus matinaux, dès 5h30. Bien sûr, nous ne pouvons pas dormir ni boire de l'alcool. A partir de 4h du matin, la fatigue commence vraiment à se faire sentir, même avec une sieste de 1h30 en fin d'après-midi la veille.  Nous ne travaillons pas le lendemain. Mais heureusement, il y a l'un des seul ordinateur avec accès internet et cela permet de passer le temps. La nuit reste tout de même longue... Quand le ciel est clair, j'en profite pour faire des photos d'aurores australes.

L'ordi internet de la centrale, compagnon de nos nuits
Heureusement, l'hiver plus calme, avec moins de couverts à table et des horaires de travail plus cool, contrebalance le mois de janvier où je n'ai quasiment pas eu de jours de repos.

Et chers lecteurs, si vous êtes perspicaces, vous remarquerez que je poste un article tous les 9 jours en moyenne: je profite de ma nuit trépidante à la Centrale électrique pour vous raconter ma vie.

mercredi 8 avril 2020

Une semaine de travail et de loisirs

Dimanche, je suis sorti en mission sondage de la banquise avec Loïc et Pascal pour pour faire des trous sur la banquise.  Le but n'était pas de la casser ou de creuser des trous de pêche mais de mesurer l'épaisseur de la glace pour autoriser les sorties hors de l'île des Pétrels. Quand Régis, notre chef de district, m'a proposé de former un groupe dans ce but j'ai accepté de suite, bien trop heureux de pouvoir sortir un peu et de changer de point de vue sur les icebergs, la base, etc. Je n'étais pas allé si loin à pied depuis la fin décembre.
Nous devions faire un tour d'une dizaine de kilomètres en direction de Cap Prud'homme, mais le vent catabatique, venant du sud, glacial et formant un mur de neige bouchant la visibilité à l'ouest, nous a obligé à revoir nos plans. Nous sommes donc partis au nord de la base avec la tarière, de quoi mesurer l'épaisseur de banquise (un mètre avec une butée amovible) et nos sacs "banquise" (un change si on tombait à l'eau). Des sondages avaient été fait la semaine précédente et la moyenne des mesures était de 35 centimètres d'épaisseur alors qu'il faut 17 centimètres minimum pour qu'un homme puisse passer sans encombres. Nous partions donc confiants même si le manteau de neige qui est tombé récemment peut avoir un effet d'isolant, protéger la glace du froid de l'air ambiant et que la tempête Alexis pouvait fragiliser la banquise. C'était donc une bonne surprise lorsque nous avons trouvé plus de 40 centimètres à notre première mesure! Tout le long de notre balade, nous avons rencontré entre 40 et 50 centimètres d'épaisseur, même jusque dans l'Anse du Lion où il n'y avait que 15 centimètres une semaine avant. En trois heures, nous avons percé plusieurs dizaines de trous, de quoi vider les deux batteries de la machine, l'endurance des accus est en plus affaiblie par les -10°c au thermomètre. La consistance de la glace et également importante: si les copeaux qui sortent de la tarière sont très humides ou que la glace sur laquelle on marche est grisâtre, c'est mauvais signe. Ici pas de problèmes, tout était sec et consistant. Pour les dernières mesures, j'ai eu la bonne surprise de casser le mètre de mesure d'épaisseur, le ruban était déjà bien usé et en le remontant, la pièce métal qui se glissait dans la glace est allée nourrir les poissons... Rien de très grave, on arrivera à refabriquer quelque chose.
La base vue de la banquise
Et en fin d'après midi, juste au moment de rentrer, une rafale à 120km/h nous a bien secoué au moment de remonter sur la base, heureusement que les mains courantes étaient présentes...

Côté travail, j'ai remplacé deux meubles dans la salle de lecture qui étaient bien moches et en mauvais état. J'ai repris le même style que les bibliothèques fabriquées l'an dernier. Julien doit encore me fabriquer les
poignées des portes.

Avant
Après
Ces réalisations m'ont bien occupé le temps qu'Alain M ai suffisamment avancé les travaux du bâtiment Bureau Technique/Météo et que je puisse commencer mon gros chantier de l'année. C'est un bâtiment de 190m2 dont on doit rénover complétement l'intérieur. Les travaux se font en deux tranches, car Météo France (François, Michel et Alain D) doit continuer de travailler et ils déménageront dans la première partie quand celle ci sera terminée.
J'ai posé le plancher en Fermacell (panneaux de gypse et cellulose) qui sera recouvert de parquet une fois les cloisons en bois et l’électricité installée. Les matériaux sont stockés dans des conteneurs sur la piste du Lion. Nous avons organisé une opération de transfert des déchets de la base sur le Lion puis de rapatriement des matériaux dans le sens inverse. Toutes les personnes disponibles étaient conviées.
Transport en char d'assaut
Heureusement que nous avions le Morooka (véhicule à benne sur chenille) pour transporter les 1500kg de plaques de sol. Le poids est un avantage car il atténuera un peu le bruit dans le bâtiment composé de panneaux de fibre de verre sur une structure métal, qui ne sont pas bons isolants phoniques.
Ces panneaux m'ont permis de niveler le sol en remplissant les creux avec le sable de la sableuse et en lissant avec une règle de maçon. C'est un peu bricolage mais ça fonctionne bien. Normalement, du granulat est vendu par le fabricant dans le même but mais cela n'avait pas été prévu. J'ai fini la pose ce midi, j'ai commencé à tracer les cloisons et à placer des supports en plastique au sol pour ne pas que le bois des cloisons risque de pomper l’éventuelle eau de nettoyage ou de neige fondue.
Mise à niveau
Fin de journée
Vendredi, nous allons transférer les cloisons des conteneurs jusqu'au chantier pour que je puisse continuer de m'occuper.